La Cour d’appel de Borgarting a annulé, le 14 mars 2025, une décision administrative refusant aux Témoins de Jéhovah les subventions de l’État et leur reconnaissance en tant qu’organisation religieuse. Ce jugement infirme une décision du tribunal de district d’Oslo rendue en mars 2024.
Un conflit initié en 2021
L’affaire remonte à 2021, lorsque le ministère de l’Enfance et de la Famille a reçu une plainte de Rolf Johan Furuli, ancien membre des Témoins de Jéhovah. Il contestait la pratique de l’organisation incitant ses fidèles à limiter les contacts avec les anciens membres exclus ou démissionnaires, sauf exceptions pour les parents cohabitants. Furuli considérait que cette politique portait atteinte au droit de changer de croyance religieuse en exerçant une pression sociale sur les départ volontaires. Il soulevait aussi des préoccupations sur les mineurs baptisés avant une maturité suffisante.
Suite à cette plainte, l’administrateur de l’État d’Oslo et de Viken a cessé d’accorder des subventions à l’organisation, perçues depuis trente ans sous l’article 16 de la Constitution norvégienne. L’enregistrement officiel des Témoins de Jéhovah a aussi été refusé en vertu de la loi n° 31 du 24 avril 2020.
Le jugement de la Cour d’appel
La Cour d’appel de Borgarting a examiné la « distanciation sociale » préconisée par l’organisation à l’égard des anciens membres. Elle a constaté que cette pratique repose sur une interprétation biblique et est prévue par la littérature interne des Témoins de Jéhovah. Toutefois, elle a relevé que l’exclusion ne concernait pas les membres devenus inactifs sans annoncer leur départ.
Les juges ont aussi pris en compte les exceptions à cette règle, notamment le maintien des contacts familiaux au sein du même foyer et pour des « affaires familiales nécessaires », comme l’assistance à des parents malades.
Concernant les mineurs, la Cour a noté que la majorité des baptêmes ont lieu entre 15 et 18 ans et que certains jeunes issus de familles Témoins de Jéhovah choisissent de ne pas adhérer à l’organisation sans que cela n’affecte leurs relations sociales et familiales.
Conformité avec le droit norvégien et international
L’un des points débattus concernait la liberté de quitter l’organisation. La Cour a confirmé que les Témoins de Jéhovah respectent la loi norvégienne, qui impose seulement une demande écrite pour officialiser un départ.
S’agissant des droits de l’enfant, la juridiction a estimé que l’exclusion des mineurs ne relevait pas de la « violence psychologique » ou du « contrôle social négatif » au sens du droit norvégien et des conventions internationales. Elle a relevé que les besoins émotionnels et physiques des enfants continuaient d’être pris en charge par leurs parents.
Un précédent juridique important
La Cour d’appel a conclu que les Témoins de Jéhovah n’avaient pas violé les droits fondamentaux de leurs membres et que leur exclusion du financement public était injustifiée. Elle a ordonné le remboursement des frais de justice de l’organisation, soit 8,5 millions de couronnes norvégiennes (796 000 dollars).
Cette décision pourrait avoir des répercussions au-delà de la Norvège. Elle s’inscrit dans la lignée des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et d’autres juridictions nationales défendant la liberté religieuse face aux contestations liées à la politique d’exclusion des Témoins de Jéhovah.
L’État norvégien peut encore saisir la Cour suprême, mais ce jugement constitue déjà un revers majeur pour sa position.