L’État du Madhya Pradesh, situé au centre de l’Inde et comptant environ 72 millions d’habitants, pourrait prochainement adopter une législation renforçant sa loi anti-conversion. Le ministre en chef de l’État, Mohan Yadav, a annoncé le 8 mars dernier son intention de modifier la réglementation en vigueur afin d’introduire la peine de mort pour les personnes reconnues coupables d’avoir contraint autrui à changer de religion. Cette déclaration, rapportée par le média catholique UCA News, marque un durcissement significatif des sanctions en matière de conversions religieuses.
Un durcissement d’une loi existante
Depuis 2021, la loi anti-conversion du Madhya Pradesh prévoit des peines pouvant aller jusqu’à 10 ans de prison pour ceux qui sont accusés de conversions forcées. Cette législation, comme celles adoptées dans plusieurs autres États indiens, interdit les conversions obtenues par la force, la fraude ou toute incitation matérielle. Cependant, les déclarations récentes du gouvernement indiquent une volonté d’aller encore plus loin, en introduisant des peines capitales pour les contrevenants. « La conversion religieuse ne sera pas tolérée », a affirmé Mohan Yadav.
Un contexte national marqué par des tensions religieuses
L’Inde, pays à majorité hindoue (environ 80 % de la population), compte également 14 % de musulmans et environ 2 % de chrétiens. Depuis le début des années 2000, une douzaine des 28 États indiens ont mis en place des lois anti-conversion, en particulier ceux dirigés par des partis nationalistes hindous. Ces lois sont officiellement conçues pour prévenir les conversions forcées, mais elles sont souvent dénoncées par les organisations de défense des droits de l’homme et les communautés chrétiennes comme des outils servant à restreindre la liberté religieuse.
Dans la pratique, ces lois ont été utilisées pour cibler les minorités chrétiennes et musulmanes, entraînant des arrestations de prêtres, pasteurs et missionnaires accusés d’avoir tenté de convertir illégalement des fidèles hindous. Des ONG internationales ont régulièrement exprimé leurs inquiétudes face à ces pratiques, les qualifiant de violations du droit à la liberté de religion inscrit dans la Constitution indienne.
Des répercussions sur la communauté chrétienne
Le Madhya Pradesh compte une très faible proportion de chrétiens, environ 0,27 % de la population selon UCA News. Cependant, cette communauté se dit particulièrement vulnérable aux accusations de conversion forcée, souvent portées sur la base de preuves contestables. Des cas d’arrestations et de violences ont été signalés à plusieurs reprises.
En 2019, un pasteur protestant de l’État a été accusé de conversion forcée et emprisonné avec sa femme et son fils de six ans. Selon les témoignages, la famille a été déshabillée, battue et maintenue en détention sans caution pendant trois jours avant d’être finalement condamnée. Plus tard, la justice a fini par acquitter le pasteur, jugeant que les preuves présentées contre lui n’étaient pas suffisantes.
Le cas du Madhya Pradesh n’est pas isolé. Dans l’État voisin de l’Uttar Pradesh, le plus peuplé du pays avec 231 millions d’habitants, des centaines de pasteurs et de prêtres catholiques ont été arrêtés en vertu de lois similaires. L’application de ces mesures a parfois donné lieu à des violences ciblées contre les minorités chrétiennes.
Un cadre légal contesté
Bien que la Constitution indienne garantisse la liberté de religion dans son article 25, qui stipule que chaque citoyen a « le droit de professer, de pratiquer et de propager librement sa religion », les lois anti-conversion posent un défi juridique. En juin dernier, la Cour suprême de l’Inde a remis en question la légalité des lois anti-conversion en vigueur dans l’Uttar Pradesh, soulevant des doutes quant à leur conformité avec la Constitution du pays.
Les défenseurs des droits religieux estiment que ces lois sont appliquées de manière sélective et discriminatoire, servant davantage à restreindre les libertés religieuses qu’à protéger d’éventuelles victimes de conversions forcées. De nombreuses affaires de conversion prétendument forcée sont basées sur des accusations difficilement vérifiables, conduisant parfois à des arrestations sans fondement juridique solide.
Une inquiétude croissante parmi les minorités religieuses
L’annonce d’un possible durcissement de la loi anti-conversion au Madhya Pradesh suscite des réactions préoccupées de la part des organisations de défense des droits humains et des représentants des minorités religieuses. Ils redoutent une intensification des tensions et des persécutions à l’encontre des communautés chrétiennes, qui pourraient faire face à une surveillance accrue et à des accusations infondées.
La question de la liberté de religion reste un sujet sensible en Inde, où les minorités font face à des pressions croissantes. Si la proposition du Madhya Pradesh venait à être adoptée, elle marquerait une escalade sans précédent dans l’application des lois anti-conversion, renforçant ainsi le climat d’incertitude pour les groupes religieux minoritaires du pays.