Le 7 octobre 1950, les bottes de l’Armée populaire de libération foulent le sol tibétain. Un pays de hauteurs et de silence, où les prières s’élèvent plus haut que les drapeaux, voit son destin basculer. Le Dalaï-Lama, alors adolescent, entame une lutte qui durera toute sa vie : préserver l’âme d’un peuple que l’histoire tente d’effacer.
À 89 ans, dans son ouvrage Une voix pour ceux qui n’en ont pas : plus de sept décennies de lutte avec la Chine pour ma terre et mon peuple, paru le 11 mars 2025, le Dalaï-Lama lève le voile sur sept décennies de résistance, de diplomatie et d’exil. Ce livre n’est pas un testament, mais une alarme douce et ferme, adressée à ceux qui veulent encore entendre.
Une voix pour les sans-voix
Le Dalaï-Lama ne se contente pas de raconter son histoire ; il incarne celle de tout un peuple. Depuis son exil en Inde en 1959, il n’a cessé de plaider pour une autonomie tibétaine, refusant l’indépendance totale mais réclamant le respect de la culture, de la langue et de la religion tibétaines. Son approche, connue sous le nom de « voie médiane », cherche un équilibre entre la souveraineté chinoise et la préservation de l’identité tibétaine.
Pourtant, Pékin reste sourd à ces appels. Les discussions entre les représentants tibétains et le gouvernement chinois sont au point mort depuis 2010. Le Dalaï-Lama, dans son livre, exprime son inquiétude face à cette impasse, soulignant que « l’aspiration du peuple tibétain à la liberté ne peut être étouffée indéfiniment ».
La question de la succession
L’un des points les plus sensibles abordés dans l’ouvrage est celui de la succession. Le Dalaï-Lama annonce clairement que son successeur ne naîtra pas en Chine, mais dans un pays libre. Cette déclaration vise à contrecarrer les tentatives de Pékin de contrôler le processus de réincarnation, notamment après l’enlèvement en 1995 du Panchen Lama légitime, remplacé par un candidat désigné par le gouvernement chinois.
En affirmant que le prochain Dalaï-Lama sera choisi selon les traditions tibétaines, sans ingérence chinoise, le leader spirituel réaffirme l’importance de l’autodétermination religieuse et culturelle pour son peuple.
Une culture en péril
Le Tibet, sous administration chinoise, subit une sinisation progressive. Les écoles imposent le mandarin, les monastères sont surveillés, et les expressions culturelles tibétaines sont restreintes. Le Dalaï-Lama décrit cette situation comme une « érosion lente mais systématique » de l’identité tibétaine.
Malgré cela, la résistance persiste. Depuis 2009, plus de 150 Tibétains se sont immolés par le feu pour protester contre la répression, criant le nom du Dalaï-Lama dans leurs derniers instants. Ces actes désespérés témoignent de la profondeur du désespoir, mais aussi de la détermination d’un peuple à ne pas être oublié.
Un appel à la communauté internationale
Le Dalaï-Lama, tout en reconnaissant la montée en puissance de la Chine, appelle la communauté internationale à ne pas fermer les yeux. Il insiste sur le fait que la stabilité d’une société ne peut être assurée si ses citoyens sont maintenus dans l’insatisfaction et la répression. Il exhorte les dirigeants mondiaux à engager un dialogue sincère avec Pékin pour trouver une solution durable au problème tibétain.
Une voix pour ceux qui n’en ont pas n’est pas seulement le récit d’un homme, mais le cri d’un peuple. Le Dalaï-Lama, avec sa sagesse et sa compassion, offre au monde un miroir de ses propres contradictions : entre puissance et justice, silence et vérité.