Les 27 et 28 février 2025, Addis-Abeba en Ethiopie a accueilli un rassemblement historique réunissant des organisations religieuses, éthiques et interconfessionnelles de tout le continent africain et de sa diaspora. L’objectif de cet événement était de mettre en avant la nécessité de la justice réparatrice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine. Organisé au Kuriftu Resort African Village et à la Commission de l’Union africaine (UA), l’atelier a réuni une centaine de participants, parmi lesquels des hauts responsables, des chefs religieux, des universitaires et des défenseurs des droits humains.
Un engagement multilatéral en faveur des réparations
L’atelier, intitulé « Le rôle des communautés religieuses et des organisations éthiques dans la promotion de la justice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine par le biais des réparations », a été orchestré par plusieurs entités majeures, dont le Symposium des Conférences Épiscopales d’Afrique et de Madagascar (SCEAM), l’Aumônerie catholique de l’UA, Heavenly Culture, World Peace, Restoration of Light (HWPL), la Conférence panafricaine sur l’éthique et la bioéthique (COPAB), l’Interreligious Association for Peace and Development (IAPD-Africa) et United Religions Initiative (URI).
Cet événement s’inscrit dans le cadre du thème 2025 de l’Union africaine, consacré aux réparations, en mettant en lumière les arguments moraux et juridiques en faveur de la justice réparatrice. Il a permis d’examiner les dimensions économiques, psychologiques et écologiques de cette question cruciale.
Interventions de haut niveau
De nombreuses personnalités influentes ont pris la parole lors de l’atelier, soulignant l’importance de la justice réparatrice dans le contexte africain.
Le Dr Monique Nsanzabaganwa, vice-présidente de la Commission de l’UA, a ouvert l’événement en réaffirmant l’engagement de l’organisation en faveur de cette cause. Le Dr Rita Bissoonauth, directrice du Bureau de liaison de l’UNESCO auprès de l’UA et de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), a insisté sur l’importance historique et morale des réparations.
L’ambassadeur du Ghana, Dr Robert Afriye, a rappelé le rôle moteur de son pays dans ce combat mondial, tandis que Mme Angela Naa Afoley Odai, représentante du département des citoyens et de la diaspora de l’UA, a détaillé les actions prévues pour faire avancer ce dossier à l’échelle continentale.
Un consensus interconfessionnel pour la justice
Les représentants des communautés religieuses ont également mis en avant leur engagement en faveur des réparations. Le père Louison Emerick Bissila Mbila, aumônier catholique de l’UA, a souligné la responsabilité morale des institutions religieuses dans la promotion de la justice. L’ambassadeur Mussie Hailu, envoyé mondial d’URI, a appelé à une approche interconfessionnelle en s’appuyant sur le principe universel de la réciprocité.
Des perspectives variées ont été partagées par d’autres intervenants, dont le Dr Hassan Kinyua Omari de la Ligue des professionnels musulmans d’Afrique et le Dr Aharon Mor, qui a abordé la question sous un prisme juif. Le cardinal Berhaneyesus D. Souraphiel a quant à lui inscrit ce combat dans la dynamique de l’Année jubilaire 2025.
Des thématiques diversifiées
Au-delà des aspects religieux, des experts ont exploré des dimensions variées de la justice réparatrice. Mme Kyung Hee Kim (HWPL) a proposé un regard asiatique sur le sujet, tandis que le Dr Glenda Phillips Lee (IGHC/AACLA) a évoqué les réparations économiques sous l’angle de l’accès au logement et à la propriété foncière.
Le rôle du rapatriement de la diaspora a été abordé par M. Ambrose King, représentant la Fédération mondiale éthiopienne, tandis que l’évêque Dennis Nthumbi a analysé la justice réparatrice sous l’angle chrétien. Le Dr Théogène Bangwanubusa a mis en lumière les traumatismes transgénérationnels liés aux injustices passées, notamment en s’appuyant sur l’expérience rwandaise du génocide.
Adoption de la Déclaration d’Addis-Abeba
Les débats ont abouti à la signature de la Déclaration d’Addis-Abeba sur les réparations, un document clé appelant à plusieurs actions concrètes :
- La création d’un comité d’experts de l’UA chargé d’élaborer un cadre africain pour la justice réparatrice.
- La nomination d’un envoyé spécial de l’UA sur les réparations afin de porter cette cause à l’échelle mondiale.
- La reconnaissance des dégâts écologiques causés par l’exploitation coloniale comme un élément central du discours sur les réparations.
- Une proposition pour que l’UA envisage une « Décennie des Réparations » afin de maintenir une dynamique continue sur cette question.
Une mobilisation qui se poursuit
Les participants ont souligné que cette déclaration marque un point de départ pour une action concertée à l’échelle internationale. Les organisateurs ont réaffirmé leur engagement à travailler avec l’UA, l’UNESCO, les gouvernements africains et les acteurs internationaux pour transformer ces résolutions en mesures concrètes.
La justice réparatrice ne se limite pas à des compensations financières, mais implique également la reconnaissance des injustices historiques, la promotion de la réconciliation et la création d’opportunités économiques et sociales durables. Cet engagement multilatéral pourrait marquer un tournant dans la quête de justice pour les Africains et les personnes d’ascendance africaine à travers le monde.