L’évêque George Nkuo de Kumbo, situé dans la région du Nord-Ouest du Cameroun, met en garde contre l’acceptation de fonds d’origine douteuse par l’Église. Son intervention fait écho à une controverse au Kenya, où un don du président William Ruto à une église a suscité des manifestations.
Le 2 mars, le président kenyan a fait un don de 155 000 dollars à l’église Jesus Winner Ministry. Ce geste a provoqué l’indignation d’une partie de la population, confrontée à des difficultés économiques croissantes. Alors que près de 40 % de la population du Kenya vit sous le seuil de pauvreté, certains ont critiqué l’origine et la justification d’un tel don. L’événement a dégénéré en manifestations, contraignant les forces de l’ordre à utiliser des gaz lacrymogènes pour disperser la foule.
Des préoccupations éthiques et sociales
Les interrogations sur la provenance de ces fonds ont été relayées par l’évêque kenyan Cleophas Oseso de Nakuru. Lors de son homélie du mercredi des Cendres, il a mis en garde contre l’acceptation de dons de politiciens, surtout lorsque des secteurs essentiels comme l’éducation et la santé manquent cruellement de ressources.
« Nous ne savons pas d’où provient cette somme d’argent et nous devrions nous en inquiéter », a-t-il déclaré. Il a appelé à ce que les dons soient effectués de manière discrète pour éviter toute forme d’instrumentalisation politique ou d’ostentation.
Cette question n’est pas nouvelle au Kenya. L’année dernière, l’Église catholique du pays a refusé un don de 40 000 dollars offert par le président Ruto pour la construction d’une maison de prêtre et pour la chorale de l’église catholique de Soweto, à Nairobi. L’archevêque de la capitale, Philip Anyolo, avait justifié ce refus par des considérations éthiques et la volonté de préserver l’indépendance de l’Église vis-à-vis du pouvoir politique.
Dans cette même logique, l’archevêque Anyolo a également ordonné la restitution d’un don de 200 000 shillings kenyans fait par le gouverneur de Nairobi, Johnson Sakaja. Il a rappelé que l’Église désapprouve l’utilisation d’événements religieux à des fins de promotion politique.
Une opposition croissante dans l’opinion publique
Les débats sur ce sujet ont largement pris de l’ampleur sur les réseaux sociaux. De nombreux internautes ont critiqué la pratique de dons somptuaires par les dirigeants politiques, estimant que cet argent devrait être utilisé pour des infrastructures et des services publics plutôt que pour financer des institutions religieuses.
James Njoroge, fondateur de la Youth Forum Foundation, a estimé que ce genre de dépenses explique en partie la méfiance de certaines nations envers l’aide internationale accordée à l’Afrique. « Le président donne 150 000 dollars à un pasteur pour obtenir des votes et l’Afrique se plaint du manque de financements. Il est temps de dire non aux dirigeants corrompus et aux pasteurs qui cautionnent ces pratiques », a-t-il déclaré.
D’autres voix, comme celle de l’enseignant Tyto Long’ei, estiment que ces dépenses révèlent un dysfonctionnement économique profond. « L’Afrique reste pauvre parce que nous investissons plus dans la construction d’églises que dans celle d’usines, puis nous prions pour avoir des emplois, oubliant que l’église ne crée pas d’emplois », a-t-il réagi.
La femme d’affaires Sally Mwihaki a quant à elle ironisé sur la générosité du président. « Notre président est si riche qu’il pourrait financer le budget national à lui seul. Nous n’avons même plus besoin de payer d’impôts », a-t-elle commenté, en appelant les bailleurs internationaux à suspendre les financements au Kenya.
Une position assumée par le président Ruto
Face aux critiques, le président Ruto a affirmé qu’il ne renoncerait pas à faire des dons à l’Église, mettant en avant sa foi. « Je suis le produit de ma générosité envers Dieu et je ne m’en excuse pas », a-t-il déclaré.
Cependant, la multiplication de ces controverses illustre une remise en question croissante de la place des dons politiques dans les institutions religieuses en Afrique.