Dans l’ombre de la riposte régionale, l’État iranien intensifie sa pression sur la communauté juive du pays. Depuis le cessez‑le‑feu ayant mis fin à une guerre de douze jours entre Israël et l’Iran, des juges de paix et rabbins nommés par l’État se retrouvent dans le viseur des services de sécurité. Selon IranWire, au moins deux rabbins de Téhéran et de Chiraz, ainsi que plusieurs chantres, ont été convoqués, menacés, contraints d’envoyer des SMS menaçants à leurs coreligionnaires leur interdisant tout contact avec l’étranger.
Pire encore, l’Association Kalimian (Association Juive d’Iran) a été forcée d’inciter, par message texto, les membres de la communauté à participer à un rassemblement “en soutien” au guide suprême, Ali Khamenei, au sein d’une synagogue de Téhéran. Les autorités cherchent ainsi à afficher la loyauté des Juifs iraniens à la République islamique dans un contexte de tension politique et de défi sécuritaire.
Cette offensive s’inscrit dans une série de campagnes sécuritaires sans précédent : 35 Juifs ont été interrogés à Téhéran et Chiraz, soupçonnés d’espionnage, plusieurs dizaines auraient été arrêtés durant des rafles nocturnes, et plus d’une douzaine passeraient par la case détention. Ynet News décrit un climat d’angoisse : “Anyone can suddenly disappear—from the street or their workplace…”
Le régime iranien a en outre adopté une loi qualifiant de “corruption sur terre” (efsad-fil-arz) toute forme de coopération avec Israël ou les Etats‑Unis, rendant passible toute personne arrêtée de la peine capitale. Toujours selon Iran International, certains Juifs auraient été contraints de participer à des manifestations publiques, vêtus d’uniformes militaires, pour montrer leur “allégeance” face aux frappes israéliennes.
La communauté juive iranienne, forte d’environ 8 500 personnes aujourd’hui après un exode massif depuis la révolution de 1979, conserve un siège au Parlement. Mais cette représentation officielle ne la protège plus. Seul porte‑parole national, le député Homayoun Sameh multiplie les déclarations pro‑régime lors des événements orchestrés, suscitant l’incompréhension et la mobilisation des Juifs de la diaspora.
Pour les défenseurs des minorités en Iran, cette politique de mise au pas des Juifs signale une nouvelle étape dans la consolidation de l’appareil sécuritaire, post‑conflit. Le motif officiel est la lutte contre l’espionnage, mais la répression cible avant tout une communauté vidée de ses élites historiques, plus visible et plus vulnérable que jamais.
En l’espace de quelques jours, le paysage religieux juif en Iran s’est mué en un théâtre de loyautés contraintes. L’autonomie, même la plus élémentaire, s’effrite. L’histoire d’un judaïsme pluriséculaire, jadis protégé par la Constitution, vacille aujourd’hui au rythme des intérêts stratégiques et des victoires militaires. À Téhéran et Chiraz, églises silencieuses des rituels séculaires, la foi se vit désormais sous le signe de la peur et de la performance.