La bataille autour d’Oak Flat, haut lieu spirituel des Apaches en Arizona, connaît un nouveau rebondissement. Le 18 août, la Cour d’appel fédérale du neuvième circuit a décidé de suspendre temporairement le transfert de ce site à la société minière Resolution Copper, le temps d’examiner les recours déposés par les opposants. Cette décision, bien qu’intermédiaire, représente un souffle d’espoir pour ceux qui luttent depuis des années contre ce projet considéré comme une menace existentielle pour un héritage religieux et culturel unique.
Oak Flat, ou Chi’chil Biłdagoteel dans la langue apache, est une terre d’environ 18 kilomètres carrés nichée au cœur de la forêt nationale de Tonto. Depuis des siècles, des générations d’Apaches y pratiquent leurs rites, y tiennent des cérémonies initiatiques et y cueillent des plantes médicinales. Pour ces communautés, le site n’est pas simplement un espace géographique mais un sanctuaire vivant, où s’entrelacent mémoire ancestrale et pratiques religieuses. La perspective de voir cette terre cédée à un consortium minier suscite une douleur profonde et une mobilisation intense.
Le collectif Apache Stronghold, fondé par l’ancien dirigeant tribal Wendsler Nosie, mène depuis plusieurs années la contestation. Pour ses membres, céder Oak Flat reviendrait à effacer une partie de leur identité. À leurs côtés, de nombreux alliés se sont engagés, parmi lesquels la Conférence des évêques catholiques des États-Unis et l’ordre des Chevaliers de Colomb. Ces organisations chrétiennes ont publiquement affirmé que la défense d’Oak Flat relevait de la liberté religieuse garantie par la Constitution américaine et par les lois fédérales, au même titre que la protection de toute autre tradition de foi.
La justice n’a pas encore tranché sur le fond du litige, mais la Cour d’appel a ordonné une suspension, le temps d’accélérer la procédure. Les parties devront déposer leurs mémoires dès le mois de septembre, signe de l’importance accordée à ce dossier sensible. Pour Wendsler Nosie, cette décision est un signe encourageant. Il y voit la reconnaissance implicite de la gravité des enjeux, rappelant que ce site n’appartient pas seulement à une tribu, mais constitue une part du patrimoine spirituel de l’humanité.
En face, la société Resolution Copper, détenue par les multinationales Rio Tinto et BHP, met en avant les retombées économiques de son projet : des milliers d’emplois créés, des milliards de dollars de retombées locales et nationales, et la promesse d’une production stratégique de cuivre, indispensable à la transition énergétique. L’entreprise affirme avoir engagé des consultations avec les communautés autochtones et assuré vouloir minimiser les impacts culturels et environnementaux. Ses dirigeants insistent sur le fait que le transfert du terrain n’est pas une décision discrétionnaire de l’Administration mais l’application d’une disposition votée par le Congrès en 2014, insérée dans une loi budgétaire sur la défense.
Cette justification n’apaise pas la colère des opposants, qui dénoncent un procédé opaque, contraire à l’esprit des droits religieux. Les leaders amérindiens rappellent que la protection de sites sacrés est inscrite dans plusieurs textes fédéraux, dont le Religious Freedom Restoration Act, qui interdit toute action gouvernementale portant atteinte de manière substantielle à la pratique d’une religion, sauf motif impérieux. Pour eux, détruire Oak Flat en vue d’une exploitation minière équivaut à raser une cathédrale ou à profaner un sanctuaire.
Le soutien explicite d’institutions catholiques de premier plan apporte une force supplémentaire à cette lutte. Pour de nombreuses populations indigènes, souvent marginalisées et peu entendues dans les débats nationaux, cet appui représente une reconnaissance morale et politique de leur combat. En s’associant aux tribus apaches, les responsables catholiques contribuent à bâtir une coopération interreligieuse inédite, susceptible de peser davantage dans l’opinion publique et auprès des juges. Cette alliance, en plaçant la défense de la liberté religieuse au-dessus des appartenances culturelles, pourrait bien constituer un tournant décisif dans l’issue de l’affaire Oak Flat.