
Le mot sati vient du sanskrit et signifie « femme vertueuse ». Derrière ce terme se cache une coutume qui a marqué l’histoire de l’Inde : celle de la veuve qui, après la mort de son mari, choisissait – ou était poussée – à mourir sur le bûcher funéraire, en se jetant dans les flammes. Pour beaucoup, c’était le signe ultime de fidélité : l’épouse suivait son mari jusque dans la mort.
Cette pratique n’était pas universelle en Inde. Elle concernait surtout certaines castes, comme les familles royales ou des groupes de brahmanes. Parfois, la veuve était célébrée comme une héroïne, une femme si dévouée qu’elle méritait un culte. On érigeait même des temples en son honneur, comme celui de Rani Sati au Rajasthan. Mais derrière cette image idéalisée, il y avait aussi la pression sociale, la peur de l’isolement, et la dure condition des veuves, souvent rejetées par leur famille et la société.
D’où vient cette coutume ? Les textes anciens de l’hindouisme en parlent parfois, mais de façon indirecte. On trouve par exemple le récit mythologique de la déesse Sati, qui s’immole par le feu pour protester contre l’humiliation infligée à son mari Shiva. Mais cette histoire symbolique ne faisait pas du sati une règle religieuse obligatoire. De nombreux penseurs et maîtres spirituels ont d’ailleurs critiqué cette pratique au fil du temps.
Au XIXᵉ siècle, le réformateur hindou Ram Mohun Roy s’est élevé avec force contre le sati, dénonçant une coutume injuste et contraire à l’esprit même de l’hindouisme. Son combat a compté dans la décision des autorités britanniques d’interdire officiellement le sati en 1829. Pourtant, des cas isolés ont continué à exister, parfois jusqu’au XXᵉ siècle. Le plus retentissant fut celui de Roop Kanwar, une jeune femme morte en 1987 dans le Rajasthan, qui relança le débat et poussa l’Inde à renforcer ses lois contre le sati et contre toute glorification de cette pratique.
Aujourd’hui, le sati est strictement interdit en Inde. La société indienne a voulu marquer une rupture nette avec cette pratique, autrefois présentée comme une fidélité sublime, mais aujourd’hui reconnue comme une forme extrême d’oppression. Ce qui restait jadis une « tradition » est désormais considéré comme un crime. Pourtant, la mémoire du sati demeure, à la fois comme une cicatrice et comme un rappel : toutes les coutumes, même sacrées aux yeux de certains, peuvent être réinterprétées et abandonnées quand elles ne respectent pas la dignité humaine.
Que dit la loi aujourd’hui ?
- La femme qui meurt dans un sati ne peut évidemment pas être condamnée.
- Ce sont les personnes autour d’elle qui risquent des peines lourdes :
• ceux qui incitent, aident ou forcent la veuve à s’immoler ;
• ceux qui organisent le rituel ou y participent activement ;
• ceux qui glorifient l’acte après coup (en organisant une cérémonie, en construisant un mémorial, en faisant l’apologie publique). - Depuis 1987, une loi spéciale punit ces comportements : prison à vie, voire peine de mort pour les instigateurs ; plusieurs années de prison pour la glorification.
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Le Code pénal permet aussi d’utiliser d’autres incriminations : « incitation au suicide » ou même « meurtre », si la participation est directe.