En octobre 2025, en marge de la Conférence de Varsovie sur la dimension humaine de l’OSCE, le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme (BIDDH/ODIHR) a lancé un nouveau guide pratique consacré à la lutte contre les crimes de haine antichrétiens. Intitulé « Comprendre les crimes haineux contre les chrétiens et répondre aux besoins de sécurité des communautés chrétiennes », cet ouvrage complète une série de documents OSCE antérieurs traitant de phénomènes similaires. Les éditions précédentes portaient en effet sur les crimes de haine antisémites (publiés en 2017) et sur ceux visant les musulmans (2020). Comme le rappellent les experts de l’OSCE, les crimes de haine motivés par l’anti-christianisme sont une manifestation extrême d’intolérance qui envoient un message d’exclusion très nocif pour les victimes et leurs communautés. Le nouveau guide s’intéresse aux modalités de ces violences et entend proposer des outils concrets pour les prévenir et y répondre.
Ce guide s’adresse aussi bien aux autorités publiques (gouvernements, parlementaires, forces de l’ordre, autorités locales, institutions comme les médiateurs) qu’aux acteurs de la société civile et aux communautés religieuses chrétiennes elles-mêmes. Il se divise en deux volets principaux : le premier décrit le contexte et les caractéristiques des attaques motivées par la haine des chrétiens, le second énonce des recommandations pratiques. Le BIDDH souligne que combattre la haine antichrétienne requiert des politiques et un véritable dialogue pour promouvoir le respect mutuel. Ainsi, le guide insiste sur la nécessité d’une coopération significative et d’une communication ouverte avec les communautés ciblées, condition sine qua non pour bâtir des sociétés ouvertes et inclusives. Il s’inscrit explicitement dans la continuité des engagements de l’OSCE en matière de liberté de religion et de tolérance : en 2019 déjà, l’ODIHR avait publié des lignes directrices pour réconcilier sécurité et liberté religieuse.
Le guide formule ensuite des recommandations concrètes. Il appelle notamment les États à améliorer la collecte de données sur les incidents haineux pour mieux cerner l’ampleur du phénomène. Ainsi, il préconise que les forces de l’ordre classifient et enregistrent comme tels tout crime motivé par un biais antichrétien. Les services de police sont encouragés à mettre en place des mécanismes pour recueillir systématiquement ces données, à analyser les tendances et à évaluer l’efficacité des réponses policières. Le guide suggère aussi de nommer des officiers de liaison ou de créer des plateformes de consultation pour maintenir un contact régulier avec les communautés chrétiennes, renforcer la confiance et détecter rapidement les menaces. Par ailleurs, chaque incident doit faire l’objet d’une condamnation publique rapide de la part des autorités pour montrer leur volonté de protéger la liberté de culte et de prévenir la stigmatisation des chrétiens. Ces mesures de coordination sont complétées par des actions préventives et éducatives : le guide appelle les États à déployer des politiques d’éducation globale contre l’intolérance. Cela passe par des programmes scolaires et des campagnes de sensibilisation sur la diversité religieuse, destinés à déconstruire les stéréotypes antichrétiens dès le plus jeune âge. Les gouvernements sont incités à mettre en œuvre des stratégies éducatives nationales pour traiter les causes profondes de l’intolérance, y compris l’intolérance envers les chrétiens.
Le guide rappelle que « dans certains cas, le discours et les récits politiques ont contribué à perpétuer les préjugés et les stéréotypes anti-chrétiens dans la sphère publique, par exemple en qualifiant les confessions chrétiennes minoritaires de « sectes », parfois avec des épithètes négatives telles que « dangereuses », « destructrices », « extrémistes » ou « totalitaires ». La Cour européenne des droits de l’homme considère qu’il s’agit là d’un langage hostile qui enfreint l’article 9 de la Convention européenne. »
Plusieurs exemples de bonnes pratiques sont présentés pour illustrer ces recommandations. En Macédoine du Nord, le Conseil de l’éthique des médias – une ONG indépendante – a publié des lignes directrices pour les médias en ligne. Ce code de conduite recommande de ne pas relayer les idéologies des auteurs de crimes haineux, de respecter la vie privée des victimes et de signaler, supprimer ou dénoncer tout contenu de haine extrême. Aux États-Unis, l’association MovementForward a lancé en 2016 l’initiative OneCOP : chaque commissariat est mis en réseau avec des congrégations religieuses locales afin de développer un partenariat positif entre police et communautés de foi. Enfin, le guide cite des exemples d’actions citoyennes fortes. Après l’assassinat du père Jacques Hamel en France, des responsables musulmans français et italiens ont organisé des cérémonies interreligieuses de solidarité dans les églises, allant jusqu’à embrasser publiquement la famille du prêtre pour affirmer l’unité entre chrétiens et musulmans. Ces gestes symboliques de convergence interconfessionnelle illustrent comment la société civile et les leaders religieux peuvent jouer un rôle de pont contre la haine.
La réussite de ce guide dépend toutefois de l’engagement de tous les acteurs visés. Les autorités publiques doivent mettre en œuvre ses préconisations et allouer des ressources, par exemple pour sécuriser les lieux de culte et financer la formation des policiers. Les communautés chrétiennes, elles, sont encouragées à participer activement à la vigilance collective : signaler tout incident, coopérer avec les enquêtes et mener des initiatives éducatives au sein de leurs paroisses. Les forces de l’ordre doivent aussi s’ouvrir au dialogue local : comme le recommande le guide, un policier peut prendre rendez-vous avec les communautés chrétiennes locales pour établir des contacts, apprendre à les connaître et identifier leurs besoins de sécurité. Enfin, la société civile et les médias ont un rôle majeur à jouer pour amplifier les messages de tolérance et dénoncer publiquement les discours de haine. Le guide rappelle que le combat contre les discours haineux est l’affaire de tous, et que seule une action coordonnée – entre gouvernements, organisations non-gouvernementales et représentants religieux – permettra d’assurer à chacun la liberté de culte dans un climat de respect mutuel.