Le parlement portugais a adopté, jeudi 16 octobre, un projet de loi interdisant le port du voile intégral dans les espaces publics — un texte qui vise explicitement les formes de voile couvrant le visage, comme la niqāb ou la burqa, et qui ouvre des pistes de débat sur les relations entre liberté religieuse, égalité de genre et laïcité.
Le texte prévoit que les personnes portant un vêtement ou un accessoire dissimulant le visage dans l’espace public pourront se voir imposer une amende ou un renvoi vers un lieu à l’abri du public afin de garantir leur identification. Le gouvernement justifie la mesure au nom de l’ordre public, de la sécurité et de l’égalité entre les sexes.
La proposition a été largement discutée au sein du parti majoritaire, le centre-droit, qui estime que la loi constituera un outil de cohésion sociale dans un pays à large majorité catholique mais connaissant une diversification croissante de la population. Des voix au sein de l’opposition et de la société civile s’y sont opposées ou ont exprimé des réserves, soulignant que le texte pourrait stigmatiser les femmes musulmanes et s’avérer contradictoire avec le principe de liberté religieuse.
Dans les milieux musulmans au Portugal, qui restent minoritaires, la réaction est partagée : certains estiment que la mesure répond à des préoccupations réelles en matière de visibilité et d’intégration, d’autres dénoncent un texte qui fragilise la liberté de choix vestimentaire et le droit à la discrétion dans l’espace public. Un représentant de la communauté a jugé que l’objectif était moins la sécurité que l’assignation, tandis qu’un député de la majorité a affirmé que la loi ne visait aucun groupe religieux précis mais protégeait l’égalité entre femmes et hommes.
Cette décision au Portugal s’inscrit dans un contexte européen plus large : plusieurs États ont déjà légiféré sur le voile intégral. La France, les Pays-Bas, la Belgique et l’Autriche ont interdit ou restreint ces pratiques, souvent au nom de la laïcité ou de la sécurité publique. Au Portugal, la mesure ouvre une nouvelle clef d’analyse autour de la diversité religieuse dans un pays où la législation précédente ne visait pas ce type de tenues. Le texte, tel qu’adopté, ne prévoit pas de sanctions pénales mais administratives, ce qui en modère la portée coercitive.
Pour les défenseurs de la liberté de religion, l’enjeu est double : garantir la sécurité et l’égalité tout en respectant la liberté de conscience et le droit au port de signes religieux. Certains universitaires rappellent que le voile intégral concerne un nombre très limité de personnes au Portugal et que la question pourrait être moins celle du vêtement que de l’inclusion et du respect de la diversité. Selon eux, le voile intégral est un phénomène marginal, mais la symbolique de l’interdiction peut avoir des effets d’isolement ou d’exclusion.
D’un autre côté, les partisans affirment que l’interdiction ne porterait pas sur le simple foulard ou hijāb couvrant les cheveux, mais bien sur les tenues dissimulant le visage. Ils y voient un moyen de maintenir le visage dans l’espace public, c’est-à-dire la reconnaissance visuelle de chaque individu, ce qui selon eux est un fondement de la vie en communauté. La dimension d’égalité des sexes est également mise en avant : certains responsables politiques soutiennent que ces voiles peuvent être un symbole de soumission, et que la loi aide à promouvoir l’émancipation des femmes.
D’un point de vue juridique, le texte doit encore être promulgué et son application fera l’objet d’observations. Les modalités précises — lieux concernés, montants des amendes, ou procédures d’identification — seront déterminées par décret. Les critiques redoutent que la loi ne serve de prétexte à des contrôles discriminatoires ciblant les femmes musulmanes et soulignent l’importance d’une mise en œuvre respectueuse des droits fondamentaux. Le débat autour de l’identité portugaise, de la laïcité — dans un pays où l’Église catholique reste influente mais où une tradition de tolérance religieuse existe — va de fait être relancé.