YAOUNDÉ, Cameroun – Lors d’une réunion à Yaoundé le 18 mars, l’archevêque de Bamenda a insisté sur la nécessité pour le gouvernement camerounais d’engager des négociations directes avec les combattants séparatistes des régions anglophones. Selon lui, une paix durable dans le pays passe par un dialogue inclusif impliquant toutes les parties prenantes.
Une crise persistante malgré les initiatives de paix
La crise séparatiste au Cameroun trouve son origine en 2016, lorsque des avocats et enseignants des régions anglophones ont protesté contre ce qu’ils considéraient comme une marginalisation de leur communauté par le gouvernement central, majoritairement francophone. Ces tensions ont dégénéré en un conflit armé, avec des groupes séparatistes revendiquant l’indépendance d’un territoire nommé « Ambazonie ». Depuis, le conflit a causé la mort de plus de 6 000 personnes, déplacé plus d’un million d’habitants et entraîné d’importants dégâts matériels.
Dans ce contexte, le Grand dialogue national, organisé en 2019 par le gouvernement, a proposé plusieurs mesures pour apaiser les tensions. Parmi elles figuraient l’octroi d’un statut spécial aux régions anglophones, le renforcement de la décentralisation, la réintégration des ex-combattants, ainsi que des initiatives de développement local. Toutefois, malgré certaines avancées, une partie des séparatistes demeure sceptique quant à l’engagement du gouvernement dans la mise en œuvre de ces résolutions.
L’appel au dialogue direct
L’archevêque de Bamenda, membre du comité chargé de suivre l’application des résolutions du Grand dialogue national, a mis en avant le besoin de discussions directes avec les chefs séparatistes. Il a souligné que les combattants sur le terrain estiment que le gouvernement ne prend pas suffisamment en compte leurs revendications, ce qui alimente la méfiance et entrave les efforts de réconciliation.
Les autorités religieuses ont joué un rôle de médiation en tentant d’établir des ponts entre les différentes parties. Toutefois, selon l’archevêque, leur rôle se limite à encourager la paix et la réconciliation sans pouvoir s’engager officiellement à la place du gouvernement. Il a également signalé que certains combattants ont manifesté une volonté de participer à des discussions, suggérant une ouverture à un processus de dialogue plus inclusif.
Les efforts gouvernementaux et les défis restants
Le Premier ministre camerounais, Joseph Dion Ngute, a mis en avant les actions menées par le gouvernement pour restaurer la stabilité dans les régions concernées. Il a mentionné l’accélération du processus de décentralisation avec la mise en place d’assemblées régionales dans les régions anglophones, ainsi que la réinsertion de milliers d’anciens combattants via des programmes de désarmement et de déradicalisation.
Par ailleurs, des poursuites judiciaires ont été engagées contre certains leaders séparatistes basés à l’étranger, accusés d’encourager la violence et de manipuler les jeunes combattants. Toutefois, des experts en résolution de conflits avertissent que ces mesures ne suffisent pas à garantir une paix durable si les causes profondes du conflit – telles que les injustices perçues et les disparités sociopolitiques – ne sont pas traitées.
Vers une paix durable ?
Si la violence semble s’atténuer progressivement dans certaines zones, les tensions restent vives. De nombreux observateurs estiment qu’un véritable règlement du conflit ne peut être atteint qu’à travers un dialogue transparent et inclusif entre le gouvernement et les principaux acteurs séparatistes. Sans cela, le Cameroun risque de basculer dans une « paix négative », où l’absence de combats ouverts ne signifie pas pour autant la fin des tensions sous-jacentes.
Ainsi, la question du dialogue direct entre les autorités et les combattants séparatistes reste au cœur des débats, dans l’espoir de trouver une solution durable à cette crise qui affecte le Cameroun depuis près de huit ans.