Lors des dernières discussions organisées par l’ONU sur la liberté de religion ou de conviction (FoRB), la situation en Hongrie a été pointée du doigt. Le rapport de la Rapporteuse spéciale sur la question, Nazila Ghanea, met en évidence une discrimination systémique dans le pays. Cependant, Budapest a rejeté ces conclusions, tout en remettant en cause la crédibilité des mécanismes onusiens. Par ailleurs, la session a été marquée par des débats géopolitiques qui ont éclipsé les discussions sur la protection des minorités religieuses.
Un cadre législatif controversé
Le rapport présenté par Nazila Ghanea fait suite à une visite officielle en Hongrie en octobre 2024. Il souligne que le pays maintient un cadre juridique restreignant la liberté religieuse et accordant un traitement privilégié à certaines confessions. La loi de 2011 sur les Églises est particulièrement mise en cause : elle a réduit drastiquement le nombre d’églises officiellement reconnues, passant de 350 à 14. Actuellement, seuls 32 groupes disposent du statut d’« église établie », tandis que les autres doivent obtenir une reconnaissance par un vote parlementaire, un processus jugé arbitraire par les observateurs internationaux.
Des organisations comme l’Association évangélique hongroise (MET), dirigée par le pasteur Gábor Iványi, ont été directement affectées par cette réforme. Privée de son statut juridique en 2011, la MET a perdu le financement de l’État pour ses activités sociales, notamment ses écoles et refuges pour sans-abri. En dépit d’une décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) en sa faveur en 2014, elle n’a toujours pas retrouvé sa reconnaissance officielle.
Des financements inégalement répartis
Le rapport de l’ONU met également en lumière la distribution inégale des fonds publics alloués aux institutions religieuses. En 2018, environ 14 milliards de forints (50 millions de dollars) ont été attribués principalement à l’Église catholique romaine, l’Église réformée de Hongrie et l’Église évangélique luthérienne. Les groupes religieux plus petits, en particulier ceux qui ne sont pas chrétiens, bénéficient de peu, voire d’aucun soutien public.
Certains groupes minoritaires subissent également des mesures restrictives. L’Église de Scientology, par exemple, a fait l’objet de descentes de police et de refus de permis d’occupation. L’éducation religieuse dans les écoles publiques reste largement dominée par l’enseignement chrétien, avec un financement plus élevé pour les établissements confessionnels.
La réaction de Budapest
Face aux critiques, le gouvernement hongrois a adopté une position défensive, rejetant les conclusions du rapport onusien et dénonçant un éventuel parti pris politique. Il affirme que la Hongrie est « l’un des endroits les plus sûrs pour les Juifs » et que les minorités religieuses ne font l’objet d’aucune restriction.
Toutefois, plusieurs décisions de la CEDH contredisent ces affirmations. L’Union européenne et diverses ONG de défense des droits de l’homme ont également publié des rapports mettant en avant les mêmes problématiques.
Une session de l’ONU marquée par des tensions politiques
La session de l’ONU consacrée à la liberté de religion a été dominée par des affrontements géopolitiques. Plusieurs pays ont utilisé la plateforme pour exposer leurs différends plutôt que pour se concentrer sur la protection des minorités religieuses. Parmi les tensions observées :
- La Russie et la Géorgie ont débattu sur la situation des territoires occupés par Moscou.
- L’Azerbaïdjan et l’Arménie ont transformé les discussions en un affrontement sur les crimes de guerre.
- La question des territoires palestiniens a éclipsé les autres sujets liés à la liberté religieuse.
Ces échanges ont limité les avancées concrètes en matière de protection des groupes religieux vulnérables.
Les minorités religieuses en Hongrie : une situation préoccupante
Pendant que les débats se polarisent sur des enjeux diplomatiques, les minorités religieuses en Hongrie continuent de subir des discriminations. Les musulmans sont confrontés à une rhétorique islamophobe et à des préjugés associant immigration et menace pour la culture européenne. Les communautés juives font face à une montée des discours de haine, malgré une politique officielle de tolérance zéro contre l’antisémitisme. Les individus non religieux restent largement exclus des dispositifs de reconnaissance et de financement.
Un appel à une approche plus constructive
Le rapport de la Rapporteuse spéciale réitère la nécessité de réformes urgentes en Hongrie pour garantir une liberté religieuse effective. Toutefois, sans pression internationale, peu de changements sont à prévoir.
En parallèle, la communauté internationale est appelée à recentrer les discussions sur la protection des minorités religieuses, plutôt que d’utiliser ces forums comme terrain d’affrontement politique. La liberté de religion ne devrait pas devenir un enjeu de pouvoir, mais rester une priorité des droits humains. Seule une mobilisation collective permettra d’apporter des solutions concrètes aux populations concernées.