Pour un militant de l’athéisme, toutes les religions ont des allures de sectes. Voyez ces catholiques prier tous ensemble devant la statue d’une Marie censée avoir enfanté tout en restant vierge, morte depuis 2000 ans et lui vouant un culte irrationnel. Voyez ces juifs à frisettes se coller la tête contre un mur qu’on appelle « des lamentations », dont on remplit les fentes de petits bouts de papier contenant des prières. Voyez ces Bouddhistes tibétains habillés de rouge réciter des mantras en chœur, comme autant de formules magiques censées apporter paix et félicité sur la communauté. Voyez ces jains tous vêtus de blanc qui se refusent à manger la moindre parcelle de viande, le moindre insecte, voire même certains légumes trop riches en potentiel de vie. Autant de sectes aux yeux de celui qui croit que tout cela n’est qu’insulte à la raison, balivernes destinées à tromper les peuples (le fameux « opium du peuple » de Karl Marx).
Pourtant, la recherche religieuse, ou spirituelle, est une composante essentielle de l’histoire humaine, et de l’humanité en général. Si l’existence de Dieu, ou l’existence de quelque chose qui transcende l’univers matériel et y échappe en partie, n’est pas un sujet tranché, et ne le sera certainement jamais (ne serait-ce que parce qu’il existera toujours des gens pour défendre différentes positions à ce sujet), l’histoire aurait dû nous apprendre qu’il vaut mieux respecter les religions et spiritualités d’autrui, et apprendre à les connaitre, plutôt que de générer intolérance, discrimination, persécutions, qui finissent toujours par des drames. Que le persécuteur soit issu d’une autre religion, ou d’un carcan anti-religieux, n’y change rien.
En France, la lutte contre « les dérives sectaires », issue d’une lutte « contre les sectes », a perduré quasiment depuis toujours. Les sectes d’hier étaient les païens, les « hérétiques », puis les protestants, l’Armée du Salut, et d’autres. Dans la deuxième moitié du 20e siècle, la diversité religieuse accrue aidant, le spectre des « sectes » s’est élargi, accueillant les nouvelles religions, puis les nouvelles spiritualités, puis les naturopathes, les praticiens du Reiki et tutti quanti, sans qu’on y comprenne plus grand chose. Mais comme toujours, la secte c’est l’autre.
La Miviludes (Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires), coutumière de la stigmatisation à outrance et sans preuves, a récemment décidé que les chrétiens évangéliques représentaient la plus grande menace sectaire sur le territoire.
Les médias se nourrissent de ces déclarations de la Miviludes, et s’en donnent à cœur joie pour répandre la parole de la Miviludes sur les évangéliques français. Dans un cercle fermé qui n’a rien de vertueux, la Miviludes se nourrit des articles et autres médias sur les « sectes » et les citent dans son rapport, comme autant de preuves que la menace existe. La boucle est bouclée mais ne s’arrête jamais : plus de stigmatisation de la part de la Miviludes, plus d’articles de presse ; plus d’articles de presse, plus de mentions dans le rapport de la Miviludes ; plus de mentions dans le rapport…
C’est ainsi que récemment, une église évangélique jusqu’alors tout à fait respectable s’est retrouvé la cible des médias français. Il s’agit de l’Eglise Martin Luther King ou MLK. L’Église Martin Luther King est une église de confession protestante et évangélique, membre de la Fédération Protestante de France, fondée en 2004. Depuis, elle a grandi, et réunit pour chacun de ses services plusieurs milliers de fidèles en région parisienne (à Créteil) et des dizaines de milliers sur ses réseaux sociaux.
Dans ce climat de suspicion qui touche toutes les religions dans l’hexagone, la presse s’est attaquée à la « méga-église » sans discernement. Le reportage du magazine Envoyé spécial du 25 septembre, intitulé « Évangéliques : un succès pas si angélique ? », contenait une attaque ciblée contre MLK, à base de questions-pièges et de caméras cachées, et d’un discours relativement biaisé amalgamant églises évangélique, sectes et ultra-conservatisme chrétien.
Sauf que MLK n’est certainement pas ni la plus conservatrice des églises évangéliques, ni la plus fermée, ni la plus sectaire (le mot « sectaire » étant un mot fourre-tout, je l’emploie ici dans un sens général, de « fermeture » aux autres). Fondée par le pasteur Ivan Carluer, un pentecôtiste breton, l’Eglise MLK se distingue par sa grande ouverture à toutes sortes de profils, son rejet du racisme, de l’intégrisme et de l’exclusion, son apolitisme, et son ouverture à l’interreligieux. Son pasteur fondateur lui-même raconte avoir été élevé dans une communauté évangélique plutôt radicale, et avoir voulu s’en distancer pour réaliser son rêve d’une église ouverte à l’altérité.
Ivan Carluer, agrégé d’économie avant d’être pasteur (chronologiquement parlant), réalise son rêve, et son église prospère. C’est est trop pour ceux qui voient dans tout projet religieux une menace, et comme pour nombre d’autres églises évangéliques, la broyeuse médiatique se met en branle.
Pourtant, l’Église Martin Luther King se distingue par son engagement en faveur de l’inclusion. Elle est une communauté chrétienne ouverte, multiculturelle et favorable au dialogue interreligieux. Son objectif est de soutenir chaque personne dans son épanouissement personnel et spirituel, en offrant une « nouvelle chance » indépendamment de son passé. Les valeurs qui guident cette Église sont la grâce, la diversité, la transparence et l’innovation, et elle aspire à concrétiser l’amour de Dieu à travers des actions solidaires au sein de sa communauté et envers les plus fragiles.
L’organisation de l’Église Martin Luther King repose sur une gouvernance transparente, avec des comptes certifiés par un commissaire aux comptes et une direction collégiale des pasteurs. Une transparence aux antipodes de l’image « sectaire » véhiculée par le reportage mentionné.
C’est un cas d’école. Le danger de ces traitements médiatiques est beaucoup plus grand que ce qui pourrait sembler au premier abord. Des communautés se sentant stigmatisées peuvent ressentir le besoin de se refermer sur elles-mêmes. Des crimes de haine peuvent tout à coup être déclenchés par ce genre d’émissions, quand une personne déséquilibrée se retrouve manipulée par un reportage et se croit appelée à faire justice contre une « secte ». Plus généralement, un tel climat de suspicion nuit à l’entente entre les gens, crée des dissensions, des désaccords dans la société, une perte de confiance en les médias, en l’État, des stigmatisations quotidiennes qui se transformeront en discrimination, voire en persécution…
MLK a bénéficié du soutien de la Fédération Protestante de France, qui dans un communiqué a indiqué : « La Fédération protestante de France déplore que ce reportage ait choisi de présenter les Églises évangéliques à travers le prisme réducteur des excès de quelques-uns, sans nuance ni véritable expertise. Cette approche tronquée occulte la richesse et la vitalité d’une Église évangélique comme MLK, qui apporte beaucoup à ses membres, à la société et au protestantisme dans son ensemble. »
D’autres n’ont pas forcément accès à un tel soutien. Quoi qu’il en soit, c’est le soutien de tous qu’il faudrait rechercher, face à l’amalgame militant de quelques-uns qui n’ont pas compris que la richesse d’un pays se mesure aussi à la richesse de sa diversité religieuse et spirituelle, et que le respect des croyances de l’autre est la clé du vivre ensemble. Le respect de la vérité chez les médias est aussi une clé du vivre ensemble. Malheureusement cette dernière semble avoir été perdue il y a quelque temps.