Par un arrêt rendu le 1er mai 2025, la Cour suprême d’Ukraine a confirmé que, même en présence de convictions pacifistes profondément ancrées, aucun citoyen ne peut se soustraire à l’appel sous les drapeaux en période de guerre. Cette décision intervient dans un contexte de mobilisation généralisée face à l’offensive russe, et suscite déjà un vif débat sur la place de la conscience religieuse dans l’effort de défense nationale.
Dans le dossier examiné, un fidèle des Témoins de Jéhovah contestait son jugement en première instance : condamné à trois ans de prison pour avoir décliné sa convocation militaire, il réclamait l’accès au service civil prévu en temps de paix. Les juges de la plus haute juridiction ont jugé que, « en situation de conflit armé, l’obligation de défense prime sur toute dispense fondée sur la religion », balayant ainsi la possibilité d’un recours à un service non-armé .
Un arrêt fondé sur l’urgence défense
La Cour suprême s’appuie sur l’article 336 du Code pénal et sur les dispositions ukrainiennes qui distinguent traditionnellement temps de paix et temps de guerre. Alors qu’un service civil alternatif existe pour les objecteurs, celui-ci ne s’applique pas selon elle dès lors que subsiste un « danger pour l’intégrité territoriale de l’État ». L’argument : toute réserve affaiblirait la cohésion des forces mobilisées.
Tension avec le droit international
Pourtant, l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, reconnu par la jurisprudence de la Cour de Strasbourg dans l’affaire Bayatyan c. Arménie (2011), protège l’objection de conscience comme manifestation de la liberté religieuse . En restreignant de manière absolue ce droit en période de guerre, Kiev s’expose à des contestations devant les instances internationales, au risque de voir sa législation jugée incompatible avec ses engagements européens.
Conséquences pour les minorités religieuses
Les Témoins de Jéhovah restent logiquement au cœur du débat, leurs principes proscrivant strictement toute participation aux opérations militaires. Privés de tout recours, plusieurs centaines d’entre eux ont déjà été condamnés depuis le début du conflit. Leur situation illustre la difficulté de concilier unité nationale et pluralisme religieux dans un pays en état d’alerte permanent.
Vers un mécanisme plus nuancé ?
Plusieurs parlementaires et acteurs de la société civile ukrainienne plaident pour un service d’intérêt général alternatif — aide humanitaire, logistique médicale, reconstruction — ouvert même en temps de guerre. L’idée étant de maintenir l’apport des objecteurs sans exposer l’État à une fragilisation de ses effectifs combattants. Un compromis qui, selon ses promoteurs, permettrait de respecter les engagements constitutionnels et internationaux de l’Ukraine tout en préservant son dispositif de défense.
En rejetant toute exemption sous couvert de foi, la Cour suprême a clairement fait passer l’impératif militaire avant la liberté de conscience — une lecture à laquelle devront se mesurer tant les autorités nationales que la communauté européenne.