Dans la nuit du dimanche 1er juin au lundi 2 juin 2025, un individu non identifié s’est introduit dans la salle de prière de la mosquée Errahma, située à Villeurbanne, dans l’agglomération lyonnaise. Selon la conférence régionale des mosquées, l’auteur de l’acte s’est saisi d’un exemplaire du Coran, l’a placé à l’extérieur du bâtiment et y a mis le feu avant de prendre la fuite à pied. La police locale a immédiatement ouvert une enquête afin d’identifier l’auteur et de déterminer les éventuelles responsabilités pénales.
Le récit des faits précise que l’intrus portait le visage découvert et a pénétré dans la salle de prière sans rencontrer de résistance. Après avoir brûlé le Coran sur place, il l’a abandonné sur le trottoir attenant à l’entrée, devant plusieurs fidèles consternés par ce geste qualifié de « dangereux et provocateur » par les responsables de la mosquée. L’auteur de l’incendie ne s’est pas manifesté depuis, et les images des caméras de surveillance feront partie intégrante de l’enquête.
Cet acte de profanation intervient dans un contexte de résurgence des actes islamophobes en France. À peine quelques jours auparavant, dans la matinée du jeudi 29 mai 2025, un homme ayant exprimé en ligne des idées d’extrême droite a abattu son voisin tunisien dans la commune de Puget-sur-Argens (Var), avant de blesser grièvement un autre homme d’origine turque. L’auteur de la fusillade avait publié sur les réseaux sociaux des vidéos à teneur anti-immigrés et a, selon Le Parisien, juré fidélité au drapeau français tout en prônant la violence à l’encontre des personnes de « origines étrangères ». Suite à cette affaire, le parquet anti-terroriste a saisi le dossier, marquant la première fois qu’un crime raciste imputé à l’extrême droite est poursuivi comme délit terroriste depuis la création de cette instance en 2019.
Par ailleurs, en avril 2025, un ressortissant malien a été mortellement poignardé au sein même d’une autre mosquée, fait encore à l’étude par le parquet régional. Ces tragiques épisodes s’inscrivent dans une tendance inquiétante : la France, qui compte la plus importante communauté musulmane de l’Union européenne, enregistre une augmentation des actes antimusulmans et antisémites depuis plusieurs mois, dans un climat de tensions politiques et sociales récurrentes.
Sur le plan international, d’autres incidents similaires ont marqué l’actualité récente : en janvier 2025, Salwan Momika, un chrétien irakien, a été abattu en Suède après avoir brûlé à plusieurs reprises des exemplaires du Coran dans des gestes qualifiés de provocations à caractère islamophobe. En avril 2025, au Royaume-Uni, un ressortissant d’origine turque a été condamné pour avoir incendié un Coran devant le consulat de Turquie à Londres, événement ayant suscité de vives ré actions de la part de la communauté turque et d’organisations musulmanes européennes.
Contexte socio-religieux et portée symbolique
La mosquée Errahma, inaugurée en 2014, constitue un lieu de culte et un centre culturel pour plusieurs centaines de fidèles. Installée dans le quartier Grandclément à Villeurbanne, elle dispense également des cours de langue arabe et organise des rencontres interreligieuses dans le cadre d’un dialogue local. Pour la communauté musulmane lyonnaise, cette profanation revêt une signification particulièrement grave : le Coran, texte central de l’islam, y est perçu non seulement comme un livre sacré, mais aussi comme un trait d’union entre croyants et un symbole d’identité ; sa destruction volontaire devant un lieu de culte s’inscrit donc dans la lignée des actes d’intimidation visant à fragiliser la cohésion communautaire.
À l’échelle nationale, plus de 250 agressions à caractère islamophobe ont été répertoriées en 2024, soit une hausse de près de 40 % par rapport à l’année précédente, selon le Collectif contre l’islamophobie en France (CCIF). Les autorités, conscientes de cette dérive, ont multiplié les dispositifs de veille et renforcé la coopération avec les associations pour sensibiliser l’opinion publique. Néanmoins, le climat politique tendu autour des questions d’immigration et de laïcité nourrit parfois des discours stigmatisants, relançant les peurs et attisant les biais anti-musulmans.
À Lyon même, plusieurs rencontres interculturelles avaient été organisées ces derniers mois pour favoriser le « vivre ensemble », notamment à l’initiative du Conseil régional du culte musulman (CRCM) et de la Conférence des évêques de France. Ces initiatives, qui visent à promouvoir la connaissance mutuelle entre chrétiens, juifs et musulmans, sont désormais placées sous tension, dans un climat où chaque fait divers peut être récupéré politiquement.
Réactions et perspectives
Peu après la diffusion de l’information, la préfecture du Rhône a déploré cet acte « inacceptable » et annoncé la mise en place d’un renfort de sécurité autour des mosquées de la métropole lyonnaise. Les élus locaux, toutes sensibilités confondues, ont condamné la profanation et exprimé leur solidarité envers la communauté musulmane de Villeurbanne. Les responsables de la mosquée Errahma ont, pour leur part, appelé au calme et au recueillement, insistant sur la nécessité de ne pas céder à la haine : « Nous continuerons d’accueillir tous ceux qui souhaitent comprendre l’islam, sans crainte », ont-ils indiqué dans un communiqué.
Sur le plan juridique, l’enquête devra déterminer si l’auteur de cet acte était animé par une volonté terroriste ou par un simple sentiment de haine religieuse. En cas de lien avéré avec une mouvance d’extrême droite, le dossier pourrait être suivi par le parquet antiterroriste, comme pour la fusillade du Var. Les autorités de la mosquée ont fait savoir qu’elles coopéreraient pleinement avec les forces de l’ordre pour faire avancer l’enquête.
Alors que la France est engagée dans des débats législatifs autour de la lutte contre le séparatisme et le renforcement de la laïcité, les actes de profanation se multiplient et soulignent la fragilité du contrat social. Dans ce contexte, la destruction d’un exemplaire du Coran devant un lieu de culte rappelle que la liberté religieuse, telle qu’inscrite dans la Constitution française depuis 1905, reste un défi quotidien à préserver.