Depuis plusieurs décennies, la communauté ahmadie du Pakistan est confrontée à une marginalisation systématique, marquée par des restrictions légales, des violences physiques et une stigmatisation sociale. Récemment, une recrudescence des attaques a mis en lumière l’intensification de cette persécution.
La marginalisation des Ahmadis trouve ses racines dans des amendements constitutionnels et des ordonnances spécifiques. En 1974, le Pakistan a adopté le deuxième amendement à sa Constitution, déclarant officiellement les Ahmadis comme non-musulmans. Cette décision a été renforcée en 1984 par l’Ordonnance XX, qui interdit aux Ahmadis d’utiliser des termes et des pratiques associés à l’islam, tels que l’appel à la prière (Azan) ou la dénomination de leurs lieux de culte en tant que mosquées. Ces lois restreignent également leur participation au processus électoral, les obligeant à se déclarer non-musulmans pour pouvoir voter.
Selon le rapport de la Commission nationale des droits de l’homme du Pakistan, entre 1984 et septembre 2023, la communauté ahmadie a été la cible de 765 cas pour avoir affiché la Kalima (profession de foi islamique), 47 cas pour avoir appelé à la prière, 861 cas pour avoir prêché, et 334 accusations de blasphème. En outre, 280 membres de la communauté ont été tués et 415 agressés en raison de leur foi. Les lieux de culte n’ont pas été épargnés : 51 ont été démolis, 46 scellés et 39 endommagés ou incendiés. Même les sépultures ont été profanées, avec 99 tombes vandalisées et 39 corps exhumés.
Depuis avril 2025, une série d’attaques ciblées a été signalée : le 18 avril, à Karachi, Laeeq Ahmad Cheema a été battu à mort par une foule près d’un lieu de culte ahmadi. Le 24 avril, à Bhulair, dans la province du Pendjab, Muhammad Asif a été tué par balles et un autre membre de la communauté blessé. Le 16 mai, à Sargodha, le Dr Sheikh Mahmood a été abattu dans un hôpital privé. Ces incidents s’inscrivent dans une tendance inquiétante où des groupes extrémistes, tels que Tehreek-e-Labbaik Pakistan (TLP), incitent à la haine et à la violence contre les Ahmadis, souvent sous prétexte de blasphème.
Bien que l’article 20 de la Constitution pakistanaise garantisse la liberté de religion, les restrictions imposées aux Ahmadis entravent gravement l’exercice de ce droit. La criminalisation de leurs pratiques religieuses, combinée à une application partiale des lois, crée un climat d’impunité pour les agresseurs et de peur constante pour la communauté ahmadie.
Face à cette réalité dramatique, la communauté internationale s’interroge sur l’avenir des Ahmadis du Pakistan. Il apparaît clairement que sans une remise en question profonde des politiques discriminatoires et une volonté politique affirmée pour protéger toutes les minorités, la société pakistanaise restera prisonnière d’une spirale de violence et d’injustice, loin de l’idéal d’une véritable coexistence. L’enjeu dépasse désormais la seule protection d’une minorité religieuse : il s’agit d’un défi fondamental posé à la capacité d’un État à garantir la dignité et les droits de chacun de ses citoyens.