Depuis 2021, l’organisation hindoue Bochasanwasi Akshar Purushottam Swaminarayan Sanstha (BAPS) était visée aux Etats-Unis par une enquête judiciaire. Cette institution internationale, fondée en 1907 en Inde, est l’une des plus importantes branches du courant swaminarayan de l’hindouisme (mouvement réformateur de l’hindouisme né au début du XIXᵉ siècle en Inde, autour d’un maître spirituel appelé Swaminarayan (1781-1830), aussi connu sous le nom de Sahajanand Swami). Présente dans plus de quarante pays, elle a érigé des centaines de temples et mène de nombreuses activités éducatives, sociales et humanitaires.
L’affaire trouve son origine aux États-Unis, sur le chantier du grand temple hindou de Robbinsville, dans le New Jersey. En 2021, plusieurs agences fédérales — FBI, Department of Homeland Security et Department of Labor — procèdent à une perquisition spectaculaire. La presse locale décrit alors un « temple de la mort » et évoque des accusations de travail forcé, de confiscation de passeports et de discriminations de caste. Les religieux sont présentés comme des exploiteurs d’ouvriers migrants venus d’Inde.
L’organisation, pour sa part, affirme que les travailleurs concernés étaient des bénévoles, appelés sevaks, engagés pour des activités religieuses dans le cadre de visas spécifiques, et que leurs tâches — la taille et l’assemblage de la pierre notamment — participaient d’un service spirituel. Ces arguments ne sont guère relayés par la presse, qui privilégie alors le récit d’un système d’exploitation.
Au fil des mois, plusieurs plaignants se rétractent. Douze d’entre eux retirent leurs accusations, expliquant avoir été mal conseillés et n’avoir subi aucune contrainte. Après quatre années d’enquête, le département américain de la Justice clôt finalement le dossier sans retenir de charge. Aucun responsable de BAPS n’est inculpé.
Cette issue, peu médiatisée, nourrit un débat plus large sur le traitement réservé aux minorités religieuses dans l’espace public américain. Des associations hindoues telles que la Hindu American Foundation ou la Coalition of Hindus of North America dénoncent une « présomption de culpabilité » fondée sur des stéréotypes hérités du colonialisme et une méconnaissance du fait hindou. Les expressions employées par la presse — « secte », « culte », « groupe fermé » — participent, selon elles, d’un préjugé culturel plus large à l’encontre de leur tradition.
Les chiffres rappellent la disproportion : la communauté hindoue représente à peine 1 % de la population adulte américaine, contre environ 67 % de chrétiens. Cette minorité, souvent perçue à travers des clichés liés à l’Inde ou au yoga, se dit régulièrement confrontée à une lecture réductrice de ses pratiques.
Au-delà du cas judiciaire, l’affaire interroge la responsabilité des médias dans la construction de l’image des religions. La rapidité de l’information, la recherche de titres spectaculaires, l’absence de sources internes à la tradition religieuse concernée ont pu renforcer une suspicion généralisée. Cette mécanique médiatique a transformé une enquête administrative en scandale public, avant même toute vérification des faits.
Le mouvement BAPS poursuit pourtant son développement. Outre le complexe monumental de Robbinsville — présenté comme le plus grand temple hindou de l’hémisphère occidental —, l’organisation prépare l’édification d’un lieu de culte sur l’Esplanade des Religions à Bussy-Saint-Georges, en Seine-et-Marne. Ce projet s’inscrit dans un espace interreligieux unique en France, où coexistent déjà églises, mosquées, pagodes et synagogues, symbolisant une volonté de dialogue et de coexistence pacifique.
L’épisode américain, aujourd’hui clos, laisse en revanche un enseignement durable : la fragilité de la présomption d’innocence lorsqu’une communauté religieuse minoritaire devient objet de soupçon collectif. Dans une société pluraliste, la vigilance médiatique et la connaissance des traditions spirituelles demeurent des conditions essentielles pour éviter que la méfiance ne tienne lieu de vérité.