La Cour suprême du Kirghizstan a confirmé le 4 août l’interdiction définitive de l’Église adventiste de la réforme libre et véritable, qualifiée d’« extrémiste ». Cette décision, rendue par un collège de trois juges présidé par Abylaï Moukhamedjanov, clôt toute possibilité de recours sur le territoire kirghiz. Elle marque l’aboutissement d’une procédure menée à grande vitesse et entourée d’un voile d’opacité, selon les observateurs présents à l’audience.
En moins de vingt minutes, les juges ont passé en revue les éléments du dossier avant de se retirer brièvement et de revenir confirmer le verdict de première instance. La rapidité des débats a choqué les participants. Un fidèle a confié à Forum 18 que « les juges sont allés si vite sur le fond du dossier qu’ils n’ont pas vraiment écouté les arguments de la défense », soulignant également le caractère « secret » de la procédure. Même l’énoncé des noms des magistrats a été prononcé, dit-il, si rapidement et si bas que l’auditoire n’a pas pu les distinguer.
Le silence officiel qui a suivi renforce cette impression de huis clos judiciaire. Sollicitée par Forum 18, l’assistante du juge a déclaré que la cour ne ferait aucun commentaire, l’affaire étant considérée comme définitivement jugée.
L’interdiction du mouvement religieux trouve son origine dans une plainte du parquet de la région de Tchouï, soutenue par le Comité national de sécurité (NSC), la police politique kirghize. Le 19 mars, la juge Ayke Moussayeva du tribunal de district d’Alamoudoun, dans la même région, avait prononcé la dissolution de l’Église adventiste de la réforme libre et véritable, la classant comme organisation extrémiste. L’audience s’était déroulée en l’absence de toute représentation de la communauté : seuls la magistrate, son secrétaire, un procureur et un agent du NSC étaient présents. Les autorités affirment que le pasteur Pavel Shreider avait été notifié, mais ce dernier, alors en détention à Bichkek, n’avait pu y assister.
Le pasteur Shreider, citoyen russe et chef spirituel de l’Église, est emprisonné depuis novembre 2024. Le 10 juillet, le tribunal de district du Premier mai (Birinchi May) à Bichkek l’a condamné à trois ans de camp de travail à régime ordinaire pour « incitation à l’inimitié religieuse » en vertu de l’article 330, partie 1, du code pénal. À l’issue de sa peine, il devra quitter le territoire kirghiz à ses frais. Sa condamnation a été notifiée par écrit à son avocat le 28 juillet et un recours a été déposé le 7 août devant le tribunal municipal de Bichkek. En cas d’échec, la peine sera exécutée immédiatement, chaque jour de détention préventive comptant pour deux jours d’incarcération.
Face à cette fermeture des voies judiciaires internes, la communauté s’oriente désormais vers les instances internationales. Des plaintes ont été déposées auprès du Bureau régional des Nations unies pour l’Asie centrale, et l’Église prévoit de saisir le Comité des droits de l’homme à Genève.

La sévérité de cette décision inquiète certains spécialistes des religions. Indira Aslanova, experte au Centre d’études religieuses de Bichkek, a qualifié ce jugement d’« absurde ». Elle a dénoncé la faiblesse et l’excès d’interprétation des expertises utilisées par la justice, estimant que de tels précédents risquent de « criminaliser des formes pacifiques de pratique religieuse ». Une telle dérive, ajoute-t-elle, pourrait à la fois réduire la diversité religieuse dans le pays et affaiblir la lutte contre le véritable extrémisme violent.
Au 14 août, le nom de l’Église adventiste de la réforme libre et véritable n’apparaissait pas encore sur la liste officielle des vingt-et-une organisations interdites publiée par l’Agence nationale pour les affaires religieuses et interethniques. Cette omission, volontaire ou liée à un délai administratif, souligne l’incertitude entourant l’application concrète de la décision.
Pour les fidèles, la voie nationale est désormais close. Leur pasteur attend son procès en appel, et la communauté place ses espoirs dans le regard extérieur des institutions internationales. Mais à Bichkek, le sceau d’« extrémisme » apposé par les juges laisse présager un futur marqué par la méfiance et la marginalisation.