
Le 24 octobre 2025, le Tribunal administratif de Paris a rendu une décision dans une affaire opposant la Fédération des Eglises de Scientology de France à l’Etat Français, notamment sur des propos tenus par la MIVILUDES.
Après avoir rappelé que l’article 9.2 de la Convention européenne des droits de l’homme « n’interdit pas aux autorités publiques de formuler à l’égard de représentants ou membres de communautés religieuses des appréciations critiques« , le tribunal a précisé que « pour être compatibles avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de telles déclarations doivent, d’une part, être étayées par des éléments de preuve concernant des actes susceptibles de constituer un risque pour l’ordre public ou pour les intérêts d’autrui, d’autre part, éviter de remettre en cause la légitimité des croyances en question et, enfin, demeurer proportionnées aux faits de l’espèce.«
En l’espèce, dans sa décision du 24 octobre, le tribunal a estimé que dans son rapport 2021, « en indiquant que le « prosélytisme auprès des étudiants est particulièrement inquiétant car [elle] sait combien les mineurs et les jeunes sont exposés et perméables aux dérives sectaires », la MIVILUDES fait un lien direct entre l’Eglise de scientologie et une dérive sectaire, alors qu’une telle dérive, au sens de la définition donnée au point 8 du présent jugement, n’est établie par aucun élément. Ce paragraphe caractérise ainsi une faute de nature à engager la responsabilité de l’Etat.«
Il a ajouté que « d’autre part, l’allégation selon laquelle « Le groupe a aussi misé sur des sites spécialisés susceptibles d’attirer des personnes en souffrance comme atypikoo.com (réseau social pour atypiques : hypersensibles, surdoués, HPI, HPE, zèbres, Aspies, Empathes, …) » n’est étayée par aucun élément, ni dans le rapport de la Miviludes pour l’année 2021 ni dans les écritures en défense.«
L’Etat, pour le tribunal, a donc violé son devoir de neutralité à l’égard des religions présentes dans l’hexagone en laissant la MIVILUDES écrire des faits non étayées et fallacieux à l’égard de la Scientology dans son rapport 2021.
Il a donc condamné l’Etat à verser un euro symbolique à la Fédération des Eglises de Scientology de France (c’était ce qu’avait demandé ladite fédération) plus 1 800 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle a aussi condamné l’Etat à faire retirer les passages incriminés dans le rapport 2021 de la Miviludes dans un délai de 15 jours.
Il s’agit là de la septième condamnation de la Miviludes* en moins d’un an et demi. Un record pour une petite mission placée au sein du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) au Ministère de l’Intérieur. Le CIPDR lui-même est visé par plusieurs enquêtes pénales, notamment celle du Fonds Marianne. Mais en son sein, la Miviludes elle-même est sous le coup de plusieurs enquêtes pénales liées à de potentiels délits financiers lors de l’attribution de subventions à des associations antisectes comme l’UNADFI et le CCMM. Une enquête est actuellement en cours au Parquet National Financier, dans laquelle plusieurs personnes ont déjà été entendues, et le Procureur Général près la Cour des Comptes a aussi saisi la Chambre du Contentieux, organe judiciaire de ladite Cour des Comptes, pour que celle-ci investigue les malversations qui auraient pu être commises par des membres de la MIVILUDES lors des attributions de subventions. Le Président de la Cour des Comptes Pierre Moscovici avait déclaré lors de la révélation de cette enquête que la chambre du contentieux allait désormais instruire « et éventuellement juger et condamner qui de droit », en ajoutant que « c’est une affaire grave ».
Après la révélation des enquêtes en cours, la Cheffe de la Miviludes Hanène Rohmdane avait démissionné, tandis que la Présidente de l’UNADFI Joséphine Cesbron et le Président du CCMM Francis Hauzeville avaient dû quitter le Conseil d’Orientation de la MIVILUDES. Plus récemment, c’est le nouveau Chef de la MIVILUDES Donatien Le Vaillant, qui a posé sa démission après deux ans de service.
En attendant le résultat des enquêtes pénales, à tout le moins une remise en question s’impose.
*Les récentes condamnations de la MIVILUDES
Le 14 juin 2024, la MIVILUDES a été condamnée par le tribunal administratif de Paris pour propos jugés mensongers et diffamatoires à l’encontre des Témoins de Jéhovah.
Le 21 février 2025, la même juridiction a condamné la MIVILUDES pour rédaction de propos diffamatoires visant un groupe religieux juif, le Kibboutz de Malrevers, dans son rapport d’activité 2020.
Le 16 mai 2025, deux décisions distinctes ont été rendues contre la MIVILUDES : elle a été condamnée à verser des indemnités à l’association CAPLC (Coordination des Associations et des Particuliers pour la Liberté de Conscience) et à lui remettre des documents administratifs auxquels l’association avait demandé l’accès sans succès. Ces jugements portaient également sur l’obligation de rectifier des déclarations erronées concernant l’accès à ces documents dans son rapport d’activité 2021.
Le 28 mai 2025, le tribunal administratif de Paris a condamné la MIVILUDES et a ordonné la communication à la CAPLC de documents relatifs aux subventions importantes qu’elle accorde à des associations de lutte contre les dérives sectaires, documents reconnus comme communicables.
Le 11 juillet 2025, le Tribunal administratif de Paris a statué dans une affaire opposant la Fédération chrétienne des Témoins de Jéhovah de France (FCTJF) à la MIVILUDES. La FCTJF contestait plusieurs passages du rapport 2021 de la MIVILUDES qu’elle estimait diffamatoires, inexacts, discriminatoires et contraires à la liberté de religion. Le tribunal a fait droit à cette demande et a ordonné la suppression des passages concernés dans un délai de quinze jours. La MIVILUDES a également été condamnée à verser une indemnisation à la FCTJF.
Le jugement a précisé que certains extraits incriminés du rapport de la MIVILUDES présentaient de manière erronée les Témoins de Jéhovah comme refusant systématiquement de saisir les juridictions de droit commun, remplaçant illégalement celles-ci par leurs tribunaux internes, exerçant une pression communautaire entraînant un consentement vicié aux soins médicaux, ou encore comme responsables d’un endoctrinement ou d’abus éducatifs sur les enfants. Le tribunal a également relevé que des accusations très graves, telles que l’incitation au viol ou la dissimulation de preuves, étaient relayées sans fondements suffisants.
Le tribunal a souligné que plusieurs affirmations du rapport reposaient sur un nombre très limité de témoignages, parfois anonymes, anciens, non corroborés par des preuves objectives et émanant de personnes ayant quitté le mouvement depuis longtemps, sans qu’elles se présentent comme témoins directs des faits allégués.
