En France, la MIVILUDES (Mission Interministérielle de Lutte contre les Dérives Sectaires) est au cœur d’un lourd scandale financier révélé en deux étapes par la presse ces derniers jours.
Tout d’abord, on a appris que la Cour des Comptes a rendu un rapport dévastateur sur la gestion des appels à projets de la MIVILUDES, en ce qui concerne la distribution de subventions aux associations de lutte contre les dérives sectaires. Pour le Président de la Cour des Comptes Pierre Moscovici, « l’analyse des procédures de gestion du fonds fait apparaître de graves insuffisances. Ces carences sont apparues de manière encore plus manifeste à l’occasion des appels à projet nationaux lancés en 2021, le premier destiné à la “lutte contre les dérives sectaires” ».
Le Président ajoute que face à la multiplicité d’entorses à une bonne gestion des fonds publics (dossiers de demandes de subventions validés alors qu’incomplets, absence de pièces justificatives obligatoires dans les dossiers, absence de contrôle et de suivi des fonds, défauts de demandes de remboursement lorsque les projets n’ont pas été exécutés, versements de trop perçus à certaines associations, etc.), la Cour a effectué un signalement au procureur général près la Cour des comptes. Et que ce dernier a considéré les faits suffisamment graves pour saisir la Chambre du contentieux, qui exerce depuis 2023, les compétences juridictionnelles dévolues à la Cour des comptes. Pierre Moscovici a conclu en disant que la chambre du contentieux va désormais instruire « et éventuellement juger et condamner qui de droit », en ajoutant que « c’est une affaire grave ».
Le lendemain, Le Monde apportait une lumière sur les faits qui pourraient être à l’origine de cette saisine de la Chambre du Contentieux. Dans un article intitulé « un an après le scandale du Fonds Marianne, la gestion de la MIVILUDES dans le viseur », le journaliste Samuel Laurent s’est fait confirmer par le Parquet National Financier qu’une série de plaintes avaient été déposées contre la MIVILUDES et plusieurs associations de lutte contre les sectes pour « détournement de fonds publics », « abus de confiance », « prise illégale d’intérêts » ou « faux et usage de faux ». Ces plaintes auraient été déposées par une association appelée CAPLC (Coordination des Associations et des Particuliers pour la Liberté de Conscience).
En cause notamment, des subventions énormes (plus de la moitié de l’enveloppe de l’appel à projet 2021 d’un million d’euros) octroyées aux deux associations qui comme de juste ont leurs présidents dans le Conseil d’Orientation de la MIVILUDES : L’UNADFI (Union Nationale des Associations de Défense des Familles et de l’Individu) avec sa présidente Joséphine Cesbron (dont le mari se trouve aussi être l’avocat de l’UNADFI, ce qui ajoute aux suspicions de prise illégale d’intérêt), et le CCMM (Centre Contre les Manipulations Mentales) et son président Francis Auzeville.
Mais aussi des projets financés qui n’ont jamais vu le jour, et qui auraient dû entrainer un remboursement des subventions. Au lieu de cela, la MIVILUDES a réitéré les subventions l’année suivante, pourtant avertie des irrégularités présentes. Dans l’article du Monde il est ainsi indiqué « Des sources internes confirment avoir signalé à maintes reprises, tant à la direction du CIPDR[1] qu’au cabinet de la Secrétaire d’Etat, le risque juridique occasionné par cette gestion entachée d’irrégularités ».
Loin de contester l’existence de ces infractions pénales, le Président de la MIVILUDES Donatien Le Vaillant s’est défendu en indiquant que la mission aurait entamé « à partir de novembre 2023, une réforme du processus d’attribution des subventions ». Un peu tard, au vu des alertes reçues depuis 2021. Pas sûr que cela suffise à éteindre l’incendie et à éviter les condamnations pénales.
[1] CIPDR : Comité Interministériel de Prévention de la Délinquance et de la Radicalisation, qui abrite en son sein la MIVILUDES