Depuis 2024, les 9 et 10 janvier sont désormais des jours fériés au Bénin, dédiés aux religions traditionnelles du pays. Une décision qui célèbre l’héritage spirituel béninois tout en suscitant des discussions sur la place des différentes confessions dans la société.
Dans la ville historique de Ouidah, située à une quarantaine de kilomètres de Cotonou, les rues s’animent pour les « Journées Vaudoues ». Hôtels complets, drapeaux colorés, concerts, expositions et spectacles rythment ces deux journées de fête. Créé en 1997, le festival annuel des religions traditionnelles a pris une toute nouvelle ampleur ces dernières années, attirant des foules de plus en plus nombreuses.
Lors de l’édition inaugurale des « Journées Vaudoues » en janvier 2024, l’Institut national de la statistique et de la démographie avait recensé 97 000 visiteurs, alors que les organisateurs n’en attendaient que 15 000. En réponse à cet engouement, le Parlement béninois a voté une loi en septembre 2024 pour prolonger la durée des festivités sur deux jours, permettant aux visiteurs de mieux s’immerger dans les célébrations culturelles et religieuses.
Une reconnaissance culturelle qui divise
L’instauration de ces jours fériés a suscité des réactions diverses au sein de la population béninoise. Pour les défenseurs des traditions, comme Arnaud Govoeyi, ces jours fériés représentent une avancée significative pour la reconnaissance des religions autochtones, souvent reléguées au second plan.
D’autres, tels qu’Evariste Gokounon, voient dans cette mesure une tentative de rétablir l’équilibre entre les différentes confessions. Les religions chrétiennes, par exemple, bénéficient d’une demi-douzaine de jours fériés par an, alors que les pratiques traditionnelles n’en avaient qu’un seul jusqu’à récemment.
Cependant, certains leaders religieux chrétiens, à l’instar du père Rodrigue Gbédjinou, perçoivent ces célébrations comme un signal. « Le travail d’évangélisation doit se poursuivre », a-t-il déclaré, soulignant l’importance d’une action missionnaire plus profonde.
Ouidah, carrefour des croyances
La ville de Ouidah, berceau des festivités, est un lieu symbolique. Haut lieu du vaudou, elle abrite le célèbre temple de Python, tout en étant un site historique du christianisme au Bénin. En 1861, c’est ici que les premiers missionnaires de la Société des missions africaines ont posé les bases de leur évangélisation. La ville est également connue pour sa basilique de l’Immaculée Conception, où le pape Benoît XVI a signé l’exhortation apostolique Africae Munus en 2011.
Pour certains observateurs, cette coexistence entre des lieux de culte d’importance égale incarne l’esprit de tolérance religieuse du peuple béninois. Le philosophe et prêtre Roland Techou y voit « un témoignage de la foi profonde et diversifiée de la nation ».
Au-delà des rites traditionnels, les Journées Vaudoues attirent également des acteurs culturels et des visiteurs étrangers, venus découvrir danses, conférences et expositions artistiques. Pour beaucoup, ces journées illustrent le syncrétisme religieux du Bénin et son attachement à ses racines culturelles.
Quoi qu’il en soit, Ouidah reste le théâtre d’une histoire unique où cohabitent spiritualité, tradition et modernité, unissant les béninois dans une célébration de leur identité plurielle.