Aujourd’hui au Sénat se jouait l’avenir du « Projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires et à améliorer l’accompagnement des victimes ». Après une navette parlementaire laborieuse et une commission mixte paritaire qui s’était terminée en 30 minutes sur un échec, le projet était repassé à l’Assemblée Nationale qui l’avait voté à une majorité plus ou moins courte. Puis, renvoyé à la Commission des Lois du Sénat, cette dernière avait estimé qu’en l’état le texte ne pouvait pas être voté et avait adopté une motion tendant à opposer au texte la question préalable et déposé une motion identique pour la séance publique. Pour rappel, une question préalable est la procédure par laquelle une assemblée décide qu’il n’y a pas lieu d’engager la discussion du texte soumis à son examen, du fait d’un motif d’opposition qui rendrait inutile toute délibération au fond. L’adoption de la question préalable équivaut au rejet de l’ensemble du texte en discussion.
La Commission avait estimé que deux points étaient bloquants et empêchaient l’adoption du projet de loi. Le premier concernait l’article 4 qui créait un délit « de provocation à l’abandon de traitements ou de soins médicaux et à l’adoption de pratiques « non conventionnelles » », lequel pour la Commission était « juridiquement et constitutionnellement fragile ». La COmmission avait ajouté considéré « en outre que la nécessité de légiférer sur ce point n’est pas suffisamment établie ». Le deuxième concernait l’article 1, soit « la création d’un délit autonome réprimant le placement ou le maintien dans un état de sujétion psychologique ou physique susceptible d’altérer gravement la santé, indépendamment de tout abus éventuel », et là encore la commission a estimé qu’il était « révélateur de deux défauts de conception de ce projet de loi. En effet, il présuppose que d’une part, les équilibres atteints dans la loi « About Picard » visant à réprimer les conséquences des abus seraient obsolètes et insuffisants et d’autre part, que l’ensemble des assujettissements ou des formes d’emprises doivent être traitées de la même manière, au risque de fragiliser les dispositions pénales existantes, notamment en matière de violences conjugales. Le Conseil d’État avait ainsi justement rappelé que le champ des infractions nouvelles proposées par le Gouvernement outrepassait largement celui des dérives sectaires et qu’il convenait en conséquence de modifier l’intitulé même du projet de loi. »
Lorsque le texte est arrivé ce jour au Sénat, et malgré l’opposition de la Ministre Sabrina Agresti Roubache, la question préalable a été adoptée par une majorité des 341 sénateurs présents (on remarquera un taux d’absentéisme très faible, puisqu’il n’y a que 348 sénateurs, et donc une grande implication du Sénat sur cette question). Ce qui signifie un rejet du texte dans sa globalité.
Cependant, ce n’est pas terminé, puisque le texte va maintenant repartir à l’Assemblée Nationale qui votera dessus, et qui aura le dernier mot. C’est cependant la première fois qu’un texte sur les dérives sectaires est si loin du consensus qu’il est entièrement rejeté par l’une des deux chambres. La date du dernier passage à l’Assemblée Nationale sera connue bientôt.