Le samedi 17 mai 2025, plusieurs centaines de manifestants se sont rassemblés dans le centre de Sofia pour soutenir l’introduction d’un nouvel enseignement intitulé « Vertus et religion » au sein du cursus scolaire public bulgare. Sous la houlette du patriarche Daniil et avec l’appui solennel du Saint-Synode de l’Église orthodoxe bulgare, le cortège a pris son départ devant la cathédrale Saint-Alexandre-Nevski avant de traverser l’avenue Rakovski et le boulevard Tsar Osvoboditel, pour s’achever place Sainte-Nédélie, à deux pas du ministère de l’Éducation et de la Science. L’initiative, relayée officiellement par le ministère de l’Éducation, ambitionne de réintroduire après quelque huit décennies d’absence une forme d’instruction spirituelle et éthique au sein des écoles publiques, par le biais d’un cours optionnel censé être dispensé par des enseignants laïques.
Selon le projet de programme, ce module associerait éducation morale et apprentissage de la culture religieuse, en privilégiant les valeurs traditionnellement rattachées à l’orthodoxie bulgare, tandis qu’une filière alternative de « culture éthique » permettrait aux élèves non intéressés de s’orienter vers un enseignement résolument laïc. Quant aux partisans, ils invoquent le besoin urgent de renforcer le socle moral de la nation face à « l’érosion des valeurs traditionnelles », arguant que « si nous ne semons pas les germes de la vertu dans le cœur de nos enfants, la société continuera de sombrer dans le déclin moral », comme l’a martelé le patriarche Daniil lors d’un discours ponctué d’une prière spéciale.
Pour les voix dissidentes, cependant, ce cours soulève d’importantes réserves. D’une part, l’absence de tout contenu véritablement pluraliste condamne de facto les élèves issus d’autres confessions – musulmans, catholiques, protestants, juifs, ou sans confession – à un enseignement qu’ils ne peuvent embrasser en toute sincérité, puisque l’orthodoxie bulgare y occupe le centre du programme. Or, la Constitution bulgare garantit la liberté de conscience et la séparation de l’Église et de l’État ; cet ancrage confessionnel unique paraît d’autant plus problématique que, de jure, aucune autre communauté religieuse ne bénéficie de la même reconnaissance institutionnelle que l’Église orthodoxe, régulièrement considérée comme « la seule représentante de la communauté orthodoxe » sur le territoire national.
D’autre part, la crainte d’une trop forte emprise de l’Église orthodoxe sur l’école publique a conduit à un premier rassemblement de protestation, jeudi 15 mai, devant le ministère de l’Éducation, sous le mot d’ordre « L’école n’est pas une église ». Hristo Georgiev, l’un des organisateurs, a déclaré que ce nouveau cours risquerait de « diviser plutôt que d’unir les élèves, en opposant perspectives religieuses et athées », une fracture jugée inacceptable dans un espace éducatif moderne et pluraliste. Ces positions font écho aux inquiétudes exprimées par certaines ONG et experts, qui soulignent que, dans le contexte d’une société bulgare multiculturelle et multiethnique, l’enseignement public devrait au contraire favoriser une approche interreligieuse et citoyenne, plutôt que de renforcer le monopole culturel d’une seule Église.