La Fédération Européenne des Centres de Recherche et d’Information sur les Sectes (FECRIS) est une organisation faîtière regroupant diverses associations engagées dans la lutte contre les mouvements qualifiés de « sectaires ». Basée en France, elle bénéficie depuis des années de financements publics français.
La FECRIS russe affiliée au Kremlin et à l’Eglise Orthodoxe Patriarcat de Moscou
Pendant plus d’une décennie, son vice-président fut Alexandre Dvorkin, figure influente du paysage religieux russe. Membre de l’Église orthodoxe et connu pour ses positions radicales, il a façonné une discipline baptisée « sectologie » qu’il érigeait en outil scientifique au service de ses prises de position. Ses discours, où se mêlaient racisme, homophobie et affirmation de la supériorité de l’orthodoxie, ne l’empêchaient pas d’être considéré par la FECRIS comme l’un de ses principaux experts. Les associations russes affiliées à la FECRIS, particulièrement actives, se distinguaient par leur proximité avec l’Église orthodoxe russe.
Ces organisations ne se limitaient pas à la critique des minorités religieuses. Elles participaient aussi, depuis plusieurs années, à la propagande anti-ukrainienne émanant du Kremlin, établissant un amalgame entre des groupes qualifiés de « sectes » — catholiques grecs, baptistes, pentecôtistes, Témoins de Jéhovah, scientologues, adventistes, mais aussi néopaïens ou satanistes — et les institutions ukrainiennes.
Soutien à la propagande anti-Ukrainienne
Lorsque la Russie lança son offensive contre l’Ukraine en février 2022, les relais russes de la FECRIS apportèrent un soutien public aux forces armées du Kremlin. Les médias d’État russes leur offrirent une tribune pour dépeindre les autorités et les soldats ukrainiens comme des satanistes et des membres de sectes occidentales hostiles à l’orthodoxie du Patriarcat de Moscou, légitimant ainsi l’invasion au nom d’une prétendue « délivrance » spirituelle.
Face à l’émotion suscitée en Europe, notamment après la révélation d’appels à la délation et de collaborations présumées avec les services de renseignement russes pour identifier les opposants à la guerre, la FECRIS tenta de se distancer de ses partenaires russes. Quelques semaines après le début du conflit, leurs noms furent retirés du site internet de la fédération. Pourtant, dans les faits, les liens persistaient, et Alexandre Dvorkin restait membre de son conseil d’administration.
En septembre 2022, l’ONG CAP Freedom of Conscience, disposant d’un statut consultatif auprès des Nations unies, engagea une action en justice visant à obtenir la dissolution de la FECRIS, l’accusant de soutenir le pouvoir russe et une frange radicale de l’Église orthodoxe engagée dans la promotion d’une hégémonie religieuse et la marginalisation des minorités spirituelles. Deux mois plus tard, plus de 80 universitaires ukrainiens adressèrent au président Emmanuel Macron une lettre réclamant l’arrêt de tout financement public à la FECRIS, au motif de son soutien inconditionnel à la propagande de l’oppresseur russe. Cette initiative, qui suscita des tensions diplomatiques, fut suivie d’un avertissement émanant des services de renseignement français, invitant la FECRIS à couper ses liens avec ses partenaires russes.
Les États-Unis se saisirent également du dossier : la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale (USCIRF), indépendante et bipartisane, publia un rapport alertant sur l’influence de la FECRIS dans l’espace post-soviétique (lire ici).
Ce n’est que le 24 mars 2023, soit un an après le déclenchement de la guerre et sous la menace d’une dissolution judiciaire toujours en cours devant le tribunal judiciaire de Marseille, que la fédération décida, en catimini, sa séparation d’avec ses associations russes. Aucune déclaration publique ne vint expliquer cette rupture tardive.
L’orthodoxie serbe pro-Russe toujours FECRIS compatible

Pour autant, les relations avec des acteurs liés à l’orthodoxie radicale n’ont pas disparu. En juin 2025, lors de sa conférence annuelle à Bruxelles (le Président actuel de la FECRIS est le belge André Frédéric, ancien député socialiste aujourd’hui à la retraite), la FECRIS accueillit comme représentants serbes Andrej Protić et Slobodan Spasić, membres du Centre for Anthropological Studies (CAS), organisation affiliée à la FECRIS. Tous deux sont également experts permanents de la section apologétique du département missionnaire de l’archidiocèse de Belgrade et Karlovci de l’Église orthodoxe serbe, dont la mission est de surveiller les activités jugées « sectaires » et de les signaler aux autorités ecclésiastiques, elles-mêmes en lien avec les services de sécurité serbes.
André Protić est un policier des services des renseignements serbes, qui se présente au sein de l’Église orthodoxe Serbe comme un expert en théologie chrétienne et en « religions alternatives et activités criminelles de sectes et de groupes informels destructeurs et totalitaires ». Secrétaire du CAS, il s’est illustré pour des propos mettant un pied d’égalité sectarisme, avortement, cannibalisme et homosexualité.
FECRIS, police serbe et orthodoxie radicale, main dans la main
Le chef de la section apologétique du département missionnaire de l’archidiocèse de Belgrade et Karlovci de l’Église orthodoxe serbe, Zoran Lukovic, est également un représentant du CAS, un membre « respecté » de la FECRIS et un ancien capitaine de police du ministère de l’Intérieur de la République de Serbie, très actif à l’époque du génocide des musulmans de Bosnie.
Ces trois représentants de la FECRIS en Serbie sont donc à la fois des représentants officiels de l’Église orthodoxe Serbe et pour deux d’entre eux des membres gradés de la police serbe, dont on connait l’appétit pour traquer la dissidence.

Quant à l’Eglise Orthodoxe Serbe, elle n’a rien à envier à l’Eglise Orthodoxe Russe. D’ailleurs, son patriarche Porphyre de Serbie est allé présenter son allégeance directement à Vladimir Poutine en avril 2025 en compagnie du Patriarche Kirill de l’Église Orthodoxe Russe Patriarcat de Moscou. Il n’a pas manqué de féliciter le maitre du Kremlin pour « ses efforts en faveur de la préservation des valeurs traditionnelles dans la société », il a rassuré Poutine sur le fait que « les Églises russe et serbe sont unies par une fraternité d’amour et de soutien mutuel » et a finalement rappelé la complète allégeance de la Serbie à Moscou, citant les paroles de son prédécesseur, feu le patriarche Irénée : « Notre petite barque, voguant sur une mer agitée, doit rester toujours amarrée au grand navire russe. »
Alexandre Dvorkin toujours bienvenu à la FECRIS
Mais des liens encore plus directs avec les associations russes soi-disant expulsées de la FECRIS en 2023 existent encore. En effet, le 1er août 2025, il y a 10 jours à peine, Alexander Dvorkin lui-même, pourtant soi-disant expulsé de la FECRIS il y a plus d’un an, a rendu visite au département missionnaire de l’archidiocèse de Belgrade et Karlovci, et à nos représentants de la FECRIS Andrej Protić, Slobodan Spasić et Zoran Lucovic. Comme le dit le département missionnaire sur son site : « Au cours d’une conversation informelle et amicale qui s’est prolongée, les possibilités d’une future coopération entre le département missionnaire et le professeur Dvorkin ont également été discutées. Ce fut un honneur particulier pour nous d’accueillir un expert aussi éminent et reconnu dans les domaines de l’histoire, de la théologie comparée, ainsi que des activités sectaires et manipulatrices. »

Ainsi, malgré les annonces de rupture, la FECRIS semble maintenir des relations avec des acteurs proches du Kremlin et de l’orthodoxie radicale, extrémiste et militante. Une situation qui interroge sur l’opportunité du maintien de son financement public par la France.