
Dans son rapport 2021, la Miviludes avait consacré un chapitre à un groupe religieux qu’on appelle « La Famille », une communauté religieuse née du jansénisme* au début du XIXe siècle, localisée aujourd’hui principalement dans 3 arrondissements de Paris.
Au sein de ce chapitre, un sous-chapitre était consacré à ce que la Miviludes appelle « une branche dissidente » de La Famille, le kibboutz de Malrevers (Malrevers est une commune située dans le département de la Haute Loire). Le sous chapitre était intitulé « Les dérives sectaires constatées au sein des branches dissidentes ».
La communauté ainsi stigmatisée n’a pas apprécié la mention au sein du rapport, et a porté l’affaire devant le Tribunal administratif de Paris. Le kibboutz soutenait, par l’intermédiaire de son avocat Marc Bensimhon, que :
la décision attaquée est entachée d’erreur d’appréciation car, d’une part, la qualification de dérive sectaire concernant le kibboutz de Malrevers est totalement infondée, aucun membre du kibboutz n’étant sous l’emprise de quiconque ; chacun dispose de son libre-arbitre, de sa liberté d’opinion et d’expression ; d’autre part, la Miviludes ne se fonde sur aucun élément tangible pour affirmer que le kibboutz de Malrevers serait une dérive sectaire ; elle n’a reçu aucun signalement de particuliers ou d’administrations ; elle n’a effectué aucune observation ni analyse avant de porter de si graves accusations…
La Miviludes a tenté de s’en tirer en arguant du fait que les mises en garde de la Miviludes « les mises en garde et prises de position adoptées par la Miviludes dans son rapport annuel d’activité ou sur tout autre support qu’elle rend public, de même que le refus de les supprimer, de les modifier ou de les rectifier, ne peuvent être déférées au juge de l’excès de pouvoir (…) que si elles sont de nature à produire à son égard des effets notables ou sont susceptibles d’influer de manière significative sur les comportements des personnes auxquelles elles s’adressent. » Et en l’occurrence, ils soutenaient que rien dans leur rapport ne produisait d’effet notable à l’égard du kibboutz de Malevers.
Le tribunal l’a entendu d’une autre oreille. En effet il a estimé que :
Il ressort de ce qui a été dit aux points 4 à 6 ci-dessus que les paragraphes concernant le kibboutz de Malrevers situés aux pages 80, 82 et 83 du rapport d’activité pour l’année 2021 ont un caractère purement informatif, ne comportent ni formule de mise en garde ni prise de position de la part de la Miviludes et ne font pas état d’éléments précis, étayés et documentés de nature à établir que le kibboutz présente les caractéristiques d’une dérive sectaire selon la définition donnée par la Miviludes. Le titre précédant ces paragraphes intitulé « Les dérives sectaires constatées au sein des branches dissidentes » n’est ainsi fondé sur aucun élément figurant dans ces paragraphes ou dans d’autres paragraphes du rapport d’activité pour l’année 2021 de la Miviludes permettant de motiver la qualification de dérive sectaire donnée au kibboutz de Malrevers. Par suite, le titre retenu pour introduire les paragraphes en cause, en tant qu’il comporte les termes « les dérives sectaires constatées », est illégal et doit être supprimé.
Le Tribunal administratif de Paris a donc condamné l’État, pour le comportement illégal de la Miviludes, à supprimer la mention « dérives sectaires constatées » du rapport, et à payer 1800 euros aux requérants du kibboutz de Malrevers.
C’est la deuxième condamnation de la Miviludes en quelques mois par le tribunal administratif de Paris, puisque ce dernier avait déjà condamné la Mission controversée en juillet 2024, pour avoir publié des informations fausses et préjudiciables concernant les témoins de Jéhovah.
Par ailleurs, ce même rapport de la Miviludes (2021) avait fait l’objet d’un droit de réponse de la Fédération des Eglises de Scientology de France que la Miviludes avait dû publier en fin de rapport (pages 217 à 220).
* Le jansénisme est un courant théologique chrétien qui trouve son origine dans les écrits de Jansénius sur la grâce et la prédestination. Exposée dans son œuvre posthume Augustinus (1640), cette doctrine repose sur une lecture rigoureuse de la pensée de Saint-Augustin. En opposition aux idées jugées trop indulgentes des Jésuites, elle affirme que le salut dépend uniquement de la grâce divine, accordée indépendamment des mérites humains.