Au début du mois d’août, Ruse s’est transformée en une scène inattendue du dialogue interreligieux européen. Sur les rives du Danube, la grande ville du nord de la Bulgarie a accueilli pendant cinq jours le camp international Rivers of Peace 2025, réunissant une quarantaine de jeunes venus de six pays, portés par un même désir de rencontre et de créativité.
Cette initiative a vu le jour grâce à une alliance inédite entre la municipalité et plusieurs réseaux internationaux engagés pour la paix. United Religions Initiative (URI), organisation mondiale consacrée au dialogue interreligieux, sa branche européenne URI Europe, ainsi que l’association bulgare « Мостове » (« Bridges »), se sont associés étroitement à la Ville de Ruse pour concevoir et animer cette rencontre. L’engagement des autorités locales a été déterminant : le maire par intérim Nikola Lazarov, les adjoints au maire Encho Enchev et Dimitar Nedev, mais aussi plusieurs responsables de services, parmi lesquels Tanya Todorova, Miglena Voinova et Desislava Peeva, ont accompagné de près le déroulement de la rencontre. Leur implication, à la fois logistique et humaine, a donné à l’événement une profondeur institutionnelle rarement observée dans ce type de projet.

L’esprit du camp reposait sur une conviction simple : ce sont les jeunes qui incarnent les bâtisseurs de paix de demain. Âgés de 15 à 17 ans, les participants ont été accompagnés par une équipe de jeunes animateurs, eux-mêmes issus de différents pays, qui les ont initiés à la prise de parole, à l’écoute mutuelle et à la coopération. Les ateliers ont exploré des thèmes aussi divers que la justice écologique, le leadership responsable, l’art comme langage universel ou encore le dialogue entre traditions religieuses. Chaque activité, soigneusement pensée, visait à transformer la diversité culturelle en ressource plutôt qu’en obstacle.
L’un des moments les plus marquants fut sans doute la rencontre avec Son Altesse Royale le prince Boris Saxe-Cobourg-Gotha (héritier de la couronne de Bulgarie). Loin de se limiter à une présence symbolique, il a animé un atelier autour du projet « Green Energy in Motion », invitant les jeunes à réfléchir au rôle de l’énergie solaire comme métaphore d’un avenir durable porté par la vitalité de la jeunesse. En découvrant le fonctionnement des panneaux solaires, les participants ont aussi pris conscience de leur responsabilité dans la transition écologique.
Les organisateurs avaient souhaité ancrer cette expérience dans la réalité spirituelle et culturelle de Ruse. Les jeunes ont ainsi franchi successivement les portes d’une église catholique, d’une église orthodoxe et d’une mosquée, où prêtres et mufti ont partagé leurs visions de la tolérance. Dans ces espaces sacrés, l’idée de coexistence ne relevait plus du discours, mais de la rencontre incarnée.
La nature a également servi de fil conducteur. Une navigation sur le Danube, une excursion au monastère rupestre de Basarbovo, ou encore une veillée d’observation des étoiles ont complété le programme. Ces moments de silence et d’émerveillement offraient un contrepoint nécessaire aux débats et aux ateliers, rappelant que le dialogue s’enracine aussi dans une expérience partagée du monde.

Plusieurs figures majeures du réseau URI avaient fait le déplacement, soulignant l’importance accordée à cette rencontre. Samira Fatma Baruchia, coordinatrice pour les groupes multirégionaux, Daniel Error, président du conseil d’URI Europe, et Eric Roux, président du Conseil mondial d’URI, ont pris part aux échanges. Tous ont salué la qualité de la coopération entre la ville et les organisations partenaires. Eric Roux, en particulier, a insisté sur la valeur exemplaire de l’événement, qui selon lui illustre l’avenir même d’URI.
La clôture, à la galerie d’art de Ruse, a pris la forme d’une soirée artistique où les jeunes ont présenté les fruits de leur travail, avant d’entonner ensemble Imagine de John Lennon. La chanson, symbole universel d’utopie pacifique, a résonné comme un fil rouge reliant les expériences vécues durant la semaine.
Au-delà des souvenirs, une dynamique s’est enclenchée. Les responsables municipaux et les représentants d’URI ont décidé de prolonger leur collaboration, en imaginant de nouveaux projets éducatifs et culturels. L’ambition affichée est claire : faire de Ruse un lieu durable de dialogue et de tolérance, un laboratoire où la jeunesse européenne peut s’exercer à la responsabilité commune.
Ville marquée par une histoire de brassages et tournée vers le fleuve qui traverse dix pays, Ruse s’est ainsi affirmée comme un carrefour où traditions et aspirations contemporaines peuvent se rencontrer. Rivers of Peace 2025 n’a pas seulement permis à des jeunes de se découvrir mutuellement ; il a montré ce qu’une coopération sincère entre institutions publiques et acteurs internationaux peut engendrer. Et c’est sans doute là que réside sa véritable portée : avoir donné forme, dans une ville bulgare au bord du Danube, à l’idée qu’une paix vivante s’écrit d’abord à travers la jeunesse.
