Au cœur de la 55e session du Conseil des droits de l’homme (CDH) de l’ONU, s’étalant du 26 février au 5 avril 2024, se sont déroulées des discussions importantes sur la lutte contre les discours de haine, notamment ceux liés aux symboles religieux.
L’enceinte onusienne de Genève focalise son attention sur le CDH durant ces périodes, avec des réunions incessantes et une participation active des États et de la société civile. Nombreux sont les États membres de l’ONU, ainsi que plusieurs organisations de la société civile, à participer à ces débats.
Le sujet central des discussions a été la montée alarmante des discours de haine et des actes violents, englobant diverses régions du globe et entraînant de graves atteintes aux droits de l’homme. Volker Türk, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a souligné que « la xénophobie et la discrimination basée sur la religion, le genre, l’origine ethnique et le statut migratoire ont atteint des niveaux alarmants ». Une tension majeure a émergé autour du seuil justifiant la régulation des discours de haine : doit-on protéger la liberté d’expression même si elle n’incite pas clairement à la violence, à l’hostilité ou à la discrimination, ou bien doit-on sanctionner les discours et actions qui, bien qu’en deçà de ce seuil, restent profondément offensants pour les communautés religieuses ?
La rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, Nazila Ghanea, a présenté son rapport 2024 sur « La haine fondée sur la religion ou la conviction » lors des débats du 5 et 6 mars. Le 8 mars, Volker Türk, tout en soulignant l’importance de la Journée internationale de la femme, a animé une table ronde sur la lutte contre la haine religieuse incitant à la discrimination, l’hostilité ou la violence.
Mme Ghanea a mis l’accent sur la montée préoccupante des violations de la liberté de religion et d’expression ainsi que des discours de haine, y compris les incidents de profanation de textes religieux. Selon elle, ces tendances témoignent d’une réalité plus vaste de polarisation et d’intolérance, contribuant à ces phénomènes. Les manifestations vont de l’incitation active, parfois soutenue par des États, aux actes individuels, en passant par des événements moins graves. Les échanges ont révélé des préoccupations partagées mais des approches divergentes, certains prônant des restrictions juridiques strictes tandis que d’autres soulignaient l’importance d’élargir plutôt que de restreindre la liberté d’expression pour favoriser la compréhension et la cohésion sociale.
Les conclusions de M. Ghanea ont souligné le défi crucial : « Les discours de haine basés sur la religion ou la conviction sont un problème sérieux nécessitant une réponse globale des États. Cependant, il est crucial de comprendre qu’ils reflètent une réalité sociale plus large – le mépris et la discrimination envers certains groupes religieux, souvent enracinés dans des contextes socio-politiques et historiques complexes. Pour lutter efficacement contre ces incitations à la haine, il faut aller au-delà des solutions purement légales. Les croyances religieuses peuvent être utilisées pour promouvoir des agendas xénophobes ou d’autres natures, souvent exacerbés par des facteurs structurels tels que des lois répressives sur la religion ou l’immigration. De plus, l’environnement numérique facilite la diffusion rapide et la réutilisation de ces discours par des acteurs malveillants. »
Les discussions ont également mis en lumière les divergences autour de la résolution 53/1 adoptée en 2023, abordant la lutte contre la profanation d’objets religieux, et la résolution 16/18 du Conseil des droits de l’homme, sous-tendant le plan d’action de Rabat et le processus d’Istanbul, initiés en 2011. Ces cadres visent à combattre l’intolérance, les stéréotypes, la stigmatisation, la discrimination et la violence liées aux croyances religieuses. Certains estiment que le plan d’action de Rabat n’a pas été pleinement mis en œuvre et appelaient à aller plus loin, tandis que d’autres insistaient sur l’importance de la liberté d’expression, soulignant que la critique des doctrines religieuses ne doit pas être restreinte.
Le Bureau de Volker Türk a commencé à identifier des mesures pour lutter contre la haine religieuse et la manipulation délibérée de la religion à des fins politiques, soulignant que ces discours servent souvent des intérêts politiques et économiques concrets, telles que des politiques anti-immigration ou des expulsions économiques.