L’instance dirigeante du football français, la Fédération française de football (FFF), a suscité une nouvelle controverse à propos d’une politique qui interdirait aux athlètes musulmans de jeûner lors du camp d’entraînement de l’équipe nationale pendant le mois sacré du Ramadan, au nom du maintien d’une laïcité stricte, ou du principe juridique français de la laïcité, qui a longtemps alimenté des tensions plus larges dans la société française.
« La France continue d’être la championne des comportements antimusulmans », a réagi la journaliste sportive et militante canadienne Shireen Ahmed sur X. « Les prochains hôtes des Jeux olympiques font preuve d’un tel esprit sportif ».
Ce n’est pas la première fois que la FFF se retrouve sous le feu des critiques à cause de mesures qu’elle prétend destinées à renforcer la neutralité religieuse, mais qui ont été critiquées comme étant anti-musulmanes dans un pays où l’on estime que 10 % de la population pratique cette religion.
La nouvelle politique, selon les médias cette semaine, stipule que les réunions d’équipe, les repas de groupe et les séances d’entraînement des équipes nationales françaises de football senior et junior ne seront pas modifiés en raison de la religion d’un joueur et que les joueurs qui observent le Ramadan, le mois sacré islamique de jeûne et de culte qui se déroule cette année du 11 mars au 10 avril, ne seront pas autorisés à jeûner pendant qu’ils sont à la base d’entraînement de Clairefontaine – on leur dit qu’ils peuvent rattraper les jours de jeûne manqués après la période actuelle d’entraînement et de compétition internationale. L’année dernière, une directive similaire, apparemment axée sur la santé et la performance, aurait été donnée par le personnel des Bleus, en tant que recommandation mais pas en tant que règle.
Déjà, en réponse à l’interdiction de jeûner, le jeune milieu de terrain Mahamadou Diawara a quitté l’équipe de France masculine des moins de 19 ans, a rapporté ESPN jeudi. « Certains joueurs ne sont pas satisfaits de cette décision », a déclaré à ESPN, sous couvert d’anonymat, un agent qui représente plusieurs joueurs de l’équipe de France des jeunes et des seniors. « Certains ne veulent pas faire d’histoires, mais ils pensent que leur religion n’est pas respectée et qu’ils ne sont pas respectés non plus. »
La FFF n’a pas répondu à la demande de commentaire du TIME. Mais en début de semaine, le président de la fédération, Philippe Diallo, a défendu l’approche de la fédération vis-à-vis du ramadan dans une interview accordée au journal français Le Figaro : « Il n’y a pas de stigmatisation de qui que ce soit, il y a un respect absolu des convictions de chacun. Mais quand on est en équipe de France, on doit respecter un cadre ».
M. Diallo s’est référé à l’article 1 des statuts de la fédération, qui, selon lui, garantit le respect du « principe de neutralité ». Selon cet article, « tout discours ou manifestation à caractère politique, idéologique, religieux ou syndical » est interdit dans les compétitions et manifestations, les contrevenants s’exposant à des « poursuites disciplinaires et/ou pénales ».
La FFF a déjà été critiquée pour ne pas avoir tenu compte des besoins des joueurs musulmans, voire pour les avoir obligés à enfreindre leurs principes religieux.
Elle s’est retrouvée au cœur d’une controverse l’année dernière après la fuite d’un courriel dans lequel les arbitres de la ligue professionnelle nationale avaient reçu l’ordre de ne pas interrompre brièvement les matchs au coucher du soleil pendant le ramadan afin que les joueurs à jeun puissent s’hydrater et manger un en-cas sur le terrain. « Un terrain de football, un stade, un gymnase ne sont pas des lieux d’expression politique ou religieuse, ce sont des lieux de neutralité où les valeurs du sport, telles que l’égalité, la fraternité, l’impartialité, l’apprentissage du respect de l’arbitre, de soi-même et des autres, doivent prévaloir », disait le courriel, ajoutant qu’il y aurait des conséquences disciplinaires pour les arbitres qui ne s’y conformeraient pas. L’ordre de la FFF contraste fortement avec les autres ligues européennes, notamment la Premier League anglaise, la Bundesliga allemande et l’Eredivisie néerlandaise, où les arbitres ont autorisé de telles pauses momentanées dans le jeu pour accommoder les joueurs musulmans.
L’année dernière également, le Conseil d’État, la juridiction administrative suprême, a confirmé l’interdiction faite par la FFF aux joueuses de porter le hijab, qui avait été contestée par un collectif de joueuses musulmanes et de défenseurs des droits de l’homme qui estimaient que cette interdiction était discriminatoire. La Cour a toutefois estimé que « les fédérations sportives, chargées de veiller au bon fonctionnement du service public dont la gestion leur est confiée, peuvent imposer à leurs joueurs une obligation de neutralité vestimentaire lors des compétitions et manifestations sportives afin de garantir le bon déroulement des rencontres et de prévenir tout affrontement ». Elle a déclaré que l’interdiction du hijab par la FFF, bien que la FIFA ait levé une règle similaire quelques années auparavant, était une mesure « appropriée et proportionnée ».
Le ministre français des sports a annoncé une interdiction similaire du port du voile par les athlètes françaises lors des prochains Jeux olympiques, qui se dérouleront à Paris du 26 juillet au 11 août, ce qui a suscité une large condamnation. Un porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a dénoncé cette interdiction en déclarant : « Les restrictions à l’expression de la religion ou de l’opinion publique sont une violation des droits de l’homme ». Les restrictions à l’expression des religions ou des croyances, telles que les choix vestimentaires, ne sont acceptables que dans des circonstances vraiment spécifiques qui répondent à des préoccupations légitimes en matière de sécurité publique, d’ordre public, de santé publique ou de morale.
En réponse à la nouvelle de la récente règle du Ramadan de la FFF, le podcast Everything Is Futbol a posté sur X : « Les joueurs musulmans de l’équipe de France devraient rester à l’écart de l’équipe nationale jusqu’à ce qu’ils reviennent sur leur décision. »
« Vous verrez à quelle vitesse la France changera ses habitudes lorsqu’elle réalisera qu’elle ne peut pas aligner une bonne équipe nationale sans de nombreux athlètes français/africains ayant la double nationalité », a ajouté le podcast, faisant référence au fait que les Bleus ont historiquement été renforcés par des migrants africains et arabes et par des enfants de migrants. « Les joueurs musulmans ont été et continueront d’être un élément essentiel du succès de la France. »