Le 26 mars 2025, lors d’un événement organisé en marge du Conseil des droits de l’homme à Genève par CAP/Liberté de conscience et Human Rights Without Frontiers, Jan Figel a prononcé un discours sur la situation des droits humains au Pakistan, en insistant particulièrement sur la liberté de religion et la dignité humaine.
Jan Figel n’est pas un inconnu dans le monde des droits fondamentaux. Ancien commissaire européen à l’Éducation et premier envoyé spécial de l’Union européenne pour la promotion de la liberté de religion ou de conviction en dehors de l’Europe, il s’est engagé au fil des années pour défendre les minorités persécutées. Il a notamment joué un rôle déterminant dans la libération d’Asia Bibi, chrétienne pakistanaise accusée de blasphème, qui avait été condamnée à mort avant d’être acquittée en 2018.
Dans son intervention, Figel a rappelé que « la liberté de religion ou de conviction est un droit humain très central », soulignant qu’elle constitue « un test décisif pour l’ensemble des droits humains ». Pour lui, cette liberté n’est pas seulement une question de croyance : elle touche directement à la dignité même de la personne humaine, et s’applique à tous, qu’ils soient croyants ou athées.
Évoquant le contexte pakistanais, il a pointé du doigt les conséquences des politiques mises en œuvre sous le régime du général Zia ul Haq, qui ont contribué à une islamisation croissante du pays. Figel a décrit un système dans lequel les lois sur le blasphème, qualifiées d’« exceptionnelles » et de profondément nuisibles à la coexistence pacifique, servent d’outil d’oppression contre les minorités. « La situation est telle que ce sont parfois les mouvements extrémistes qui semblent avoir plus de pouvoir que les partis politiques eux-mêmes », a-t-il déclaré.
Les minorités religieuses, en particulier les Ahmadis, les chrétiens et les hindous, vivent dans un climat de discrimination et de peur. Figel a dénoncé les attaques récurrentes contre ces communautés, la destruction de leurs lieux de culte et l’effacement de leur patrimoine. Il a également critiqué le système éducatif pakistanais, affirmant qu’il inculque dès le plus jeune âge une vision intolérante du monde, renforçant ainsi l’exclusion de toutes les religions autres que l’islam.
Le Pakistan bénéficie du régime commercial préférentiel GSP+ (Generalised Scheme of Preferences Plus), mis en place par l’Union européenne. Ce dispositif permet à certains pays en développement d’accéder au marché européen avec des droits de douane réduits, voire supprimés, en échange de leur engagement à ratifier et appliquer 27 conventions internationales portant sur les droits humains, les normes du travail, la protection de l’environnement et la bonne gouvernance. L’objectif est de soutenir leur développement économique tout en encourageant le respect de principes fondamentaux. En étant bénéficiaire du GSP+ depuis 2014, le Pakistan s’est engagé à respecter ces obligations, en particulier celles relatives aux libertés fondamentales.
L’Union européenne, a rappelé Figel, dispose donc d’un levier important pour influencer la situation. Pourtant, il a déploré que malgré cet engagement formel, « dans la pratique, les obligations ne sont pas remplies ». Il a insisté sur la nécessité pour l’UE de conditionner plus fermement les avantages commerciaux au respect effectif des droits humains.
En conclusion de son intervention, Figel a appelé à des actions concrètes, et pas seulement à des déclarations de principe. « La paix dans la société est le fruit de la justice », a-t-il affirmé. Mais cette justice « nécessite plus que des étiquettes, des slogans ou des mots – elle nécessite des actions, des décisions et de la persévérance ».
Son message est clair : face aux violations des droits humains, l’indignation ne suffit pas. Il faut de l’engagement, de la pression internationale et un suivi rigoureux des obligations auxquelles les États se sont eux-mêmes engagés.