GENÈVE (15 mars 2024) – Les actes de harcèlement, d’intimidation, de violence et d’incitation fondés sur la religion ou les convictions ont atteint des « niveaux alarmants » dans le monde entier, y compris contre les musulmans, a averti aujourd’hui un groupe d’experts indépendants de l’ONU*. À l’occasion de la Journée internationale de lutte contre l’islamophobie, ils ont publié la déclaration suivante :
« En proclamant le 15 mars Journée internationale de lutte contre l’islamophobie en 2022, l’Assemblée générale des Nations unies a appelé à « renforcer les efforts internationaux visant à favoriser un dialogue mondial sur la promotion d’une culture de la tolérance et de la paix à tous les niveaux ».
Pourtant, aujourd’hui, des entrepreneurs de la haine, des partis politiques, des groupes armés, des chefs religieux et même des acteurs étatiques du monde entier foulent aux pieds le respect de la diversité des religions et des croyances, pratiquent la discrimination, violent les droits de l’homme et passent sous silence ces violations, voire tentent de les justifier.
Les actes de harcèlement, d’intimidation, de violence et d’incitation fondés sur la religion ou les convictions ont fortement augmenté dans le monde entier l’année dernière, atteignant des niveaux alarmants, choquant notre conscience et créant un climat de peur et de profonde méfiance.
Nous exhortons les États à fonder leurs réponses à toutes les formes de haine religieuse, y compris l’islamophobie, sur les valeurs universelles, les principes et le cadre juridique des droits de l’homme internationaux.
Les incendies publics orchestrés du Saint Coran sont déplorables. Les expressions d’intolérance religieuse engendrent une blessure et une peur profondes au niveau individuel et communautaire, et doivent être condamnées.
Lorsque l’appel à la haine religieuse constitue une incitation à la discrimination, à l’hostilité ou à la violence, il doit être interdit par la loi, conformément aux normes internationales.
En ce mois sacré du Ramadan, nous sommes consternés par le refus persistant d’Israël d’autoriser la fourniture d’une assistance humanitaire et d’une aide alimentaire adéquates à la population civile de Gaza, principalement musulmane, malgré la faim généralisée et les signes de malnutrition sévère. Nous sommes gravement préoccupés par les restrictions injustifiées imposées à l’accès à la mosquée Al Aqsa. Ces restrictions sont particulièrement alarmantes, dans le contexte des pertes humaines monumentales et de la destruction d’un nombre important de lieux de culte à Gaza. Les biens culturels sont protégés par le droit international humanitaire en cas de conflit armé, car il reconnaît que les dommages causés aux biens culturels d’un peuple quel qu’il soit entraînent des dommages au patrimoine culturel de l’humanité tout entière.
Les attaques physiques – y compris les meurtres, le harcèlement, les attaques verbales et les menaces de mort – motivées par l’appartenance religieuse supposée des victimes constituent un manquement inacceptable de l’État à protéger tous ses citoyens conformément à ses obligations. Dans de trop nombreux pays, à l’approche des élections, des acteurs étatiques et non étatiques alimentent les tensions religieuses et encouragent l’adoption de lois et de politiques discriminatoires à l’encontre des minorités musulmanes afin d’en tirer un avantage politique. Les récentes tensions liées au Babri Masjid – aujourd’hui Ram Mandir – en sont un bon exemple.
Partout dans le monde, nous avons assisté à des attaques contre des mosquées, des centres culturels, des écoles et même des biens privés appartenant à des musulmans.
Les États et les acteurs confessionnels ont des responsabilités en matière de droits de l’homme et doivent intervenir pour contrer ces violations, conformément au plan d’action de Rabat. Le cadre de la Foi pour les droits de l’ONU fournit des conseils concrets pour la mise en œuvre, tandis que les parties prenantes peuvent également utiliser la boîte à outils #Faith4Rights pour encourager le respect de la diversité religieuse.
En célébrant la Journée internationale de lutte contre l’islamophobie cette année, nous sommes solidaires de ceux qui ont souffert d’intolérance, de discrimination, de violations et de violence, uniquement parce qu’ils sont musulmans. Personne ne devrait avoir peur d’avoir ou de manifester sa religion ou ses convictions. Chacun doit se sentir en sécurité et bénéficier d’une protection égale de ses droits humains, qui doivent être garantis par tous les États.
*Les experts : Mme Nazila Ghanea, Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction ; Mme Irene Khan, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression ; Mme Farida Shaheed, Rapporteur spécial sur le droit à l’éducation ; Mme Alexandra Xanthaki, Rapporteur spécial sur les droits culturels ; Mme Ashwini K.P., Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination et de xénophobie, Mme Ashwini K.P., Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l’intolérance qui y est associée ; M. Nicolas Levrat, Rapporteur spécial sur les questions relatives aux minorités ; M. Ben Saul, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste.
Les rapporteurs spéciaux font partie des procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Les procédures spéciales, le plus grand groupe d’experts indépendants du système des droits de l’homme des Nations unies, est le nom général des mécanismes indépendants d’enquête et de suivi du Conseil qui traitent soit de situations nationales spécifiques, soit de questions thématiques dans toutes les parties du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent sur une base volontaire ; ils ne font pas partie du personnel des Nations unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou organisation et travaillent à titre individuel.