Alors que la restauration spectaculaire de Notre-Dame de Paris suscite un élan de fierté nationale et d’admiration mondiale, un constat moins reluisant émerge : des centaines d’autres églises françaises se dégradent dans l’ombre. Avec un patrimoine religieux parmi les plus riches du monde, la France est confrontée à un défi monumental pour préserver ces édifices, particulièrement dans les zones rurales où les moyens manquent cruellement.
Un héritage d’État sous pression
Environ 95 % des 42 000 églises catholiques utilisées en France appartiennent aujourd’hui à l’État ou aux communes. Ce paradoxe trouve son origine dans la Révolution française, qui a confisqué les biens de l’Église. Les églises paroissiales construites avant 1905 – année de la séparation de l’Église et de l’État – sont la propriété des quelque 35 000 communes françaises, tandis que la grande majorité des 149 cathédrales appartiennent à l’État.
Une enquête menée en 2024 par la Conférence des évêques de France a révélé l’état préoccupant de ce patrimoine : depuis 2000, 72 églises ont été démolies, et 326 ont été déconsacrées depuis 1905. Parallèlement, 411 églises appartenant aux diocèses ont également perdu leur statut sacré.
Cependant, pour Alain Planet, évêque émérite de Carcassonne et Narbonne et responsable du projet, ces chiffres doivent être relativisés. « Cela reste peu sur une période de 120 ans », affirme-t-il. Parmi ces églises disparues, beaucoup étaient de construction récente, datant principalement du XIXe siècle, une époque marquée par une urbanisation rapide et des constructions à moindre coût, souvent de qualité médiocre.
Le déclin des campagnes et l’abandon des églises
Un autre problème majeur réside dans la désertification des zones rurales. En 2024, 1 679 églises ont été fermées, faute d’entretien ou de fidèles pour les utiliser.
L’historien Mathieu Lours souligne que ces édifices du XIXe siècle, bien que récents dans l’histoire religieuse, sont des marqueurs essentiels des paysages ruraux français, souvent caractérisés par leur diversité architecturale – néo-roman, néo-gothique, néo-byzantin.
Un financement sous tension
Le coût de la restauration et de l’entretien des églises est un casse-tête pour les petites communes. Si un édifice est classé, l’État peut subventionner entre 25 et 50 % des travaux. Mais pour les églises non classées, les communes doivent trouver des financements complémentaires, publics ou privés, souvent en difficulté face à l’ampleur des besoins.
La Fondation du patrimoine, soutenue par Emmanuel Macron, a lancé en 2023 une campagne de dons visant à collecter 200 millions d’euros sur quatre ans pour les églises des petites communes. En novembre 2024, seuls 16,7 millions avaient été récoltés, un chiffre bien modeste comparé aux 843 millions de dons privés qui ont permis de restaurer Notre-Dame.
Un patrimoine à préserver coûte que coûte
Malgré ces difficultés, le rapport des évêques montre que les églises utilisées par les fidèles sont généralement bien entretenues et constituent une source de fierté locale. Le véritable défi reste le sort des édifices abandonnés, dans un contexte où les paysages ruraux se vident.