Au Sénégal, une initiative singulière s’est glissée dans la grille des programmes d’une grande chaîne privée. Depuis le début du Carême, Dogmatique, une série télévisée catholique produite localement, est diffusée trois fois par semaine sur Télé Futurs Médias. Elle entend enseigner la foi chrétienne à travers un format court, accessible, et s’adressant principalement aux jeunes.
Le projet est né dans un contexte où les chrétiens représentent moins de 5 % de la population. Le pays, à très large majorité musulmane, n’en reste pas moins attaché à une certaine tradition de coexistence religieuse. C’est dans cet espace que s’inscrit la série : proposer une expression catholique médiatique qui ne soit ni prosélyte, ni isolée, mais ancrée dans le tissu sénégalais.
Dogmatique est conçue par une équipe de jeunes catholiques. Les épisodes, d’une durée de treize minutes, mêlent le français et le wolof. Le générique annonce la tonalité : celle d’un renouveau spirituel, d’un retour à la foi chrétienne présenté comme possible pour tous, dans un langage contemporain. On y parle de sacrements, du sens du mariage, du rôle des époux, du sacrifice du Christ ou encore des liens entre les communautés religieuses.
Le choix du Carême pour le lancement n’est pas anodin. Période de méditation et de retour à l’essentiel pour les chrétiens, il devient ici un temps propice à la transmission. Le ton est pédagogique. L’approche, scénarisée. Dès les premiers épisodes, la série se positionne comme un outil de catéchèse visuelle. Une réponse à un besoin d’accompagnement spirituel formulé par une jeunesse en quête de repères, dans un pays dont l’âge médian est de 19 ans.
Mais la série ne s’arrête pas à l’enseignement de la doctrine. Un épisode est notamment consacré à la Vierge Marie, figure centrale dans la tradition catholique, souvent questionnée dans d’autres confessions chrétiennes, en particulier les milieux évangéliques. Ce traitement vise à clarifier les positions, apaiser les tensions, et donner à voir une Église ouverte à la discussion.
Plus encore, Dogmatique tente une articulation plus large. Elle convoque l’interreligieux. Un pasteur protestant est introduit dans le récit. L’objectif : mettre en scène un dialogue possible. Dans un pays où les fêtes chrétiennes et musulmanes sont souvent célébrées dans une forme de respect mutuel, cette démarche est moins provocatrice qu’elle n’y paraît. Elle vient, au contraire, renforcer un équilibre fragile.
Le projet s’inspire aussi d’initiatives musulmanes. Notamment des programmes de sketches religieux diffusés pendant le Ramadan. C’est dans cette logique d’émulation que l’équipe a voulu proposer un contenu catholique local, adapté aux codes audiovisuels contemporains.
La distribution reflète cette volonté d’ouverture : prêtres, religieuses, laïcs, mais aussi acteurs non-chrétiens y participent. Le dimanche, les rediffusions rencontrent un certain succès. En toile de fond, c’est toute une dynamique de création religieuse locale qui se dessine, à l’heure où le cinéma et la télévision sénégalais connaissent un regain d’activité.
Dogmatique n’est pas une révolution. Mais elle marque une étape. Celle où l’Église, dans un pays africain, choisit d’investir l’espace médiatique avec ses propres outils, sa propre langue, ses propres récits. Sans chercher à s’imposer, mais avec la volonté d’exister. Et de parler à ceux qui, peut-être, ne l’attendaient plus.